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Le chant de la pensée



L’idée est une chose rare, l’idée est une inspiration de l’instant, l’idée est une chose qui se forge au fil de temps de latence plus ou moins longs. L’écriture, la pensée philosophique n’est pas si aisée qu’elle jaillisse ainsi, à la faveur d’articles courts à proposer au public, la pensée philosophique est une pensée qui mûrit dans le temps, hors du temps chronique, en un temps ontique qui, en tant que présence, s’inscrit dans la durée d’une éternelle présence de la latence dont elle a besoin pour s’exprimer pleinement, se travailler profondément, se peaufiner dans la nuance et la subtilité.
J’écris sur la danse, et sur un livre qui traitera des malaises psychiques qui rendent les vies difficiles, mais j’écris aussi mes humeurs littéraires et philosophiques, qui sont comme un journal de travail en philosophie, l’écriture s’éparpille, va tous azimuts rechercher dans le mot, la pensée qui enfin fera l’objet d’un nouveau livre de philosophie.
Ma pensée est réellement en crise, et c’est dans la littérature, la poésie, le chant, que je trouve l’inspiration pour me mener plus loin, Maria Zambrano écrit de très belles pages sur l’écriture, encore faut-il que nous nous l’autorisions, elle parle aussi avec une grande beauté de ce temps, parfois très long dont l’esprit a besoin pour produire de la pensée, les temps de latence en philosophie sont des temps de construction inconsciente de la pensée qui se forge en soi.
Mon parcours philosophique vient de la notion de vide, ce vide qui m’habite et que j’ai voulu explorer philosophiquement, ce fut d’abord l’affect de vide, dans L’esthétique du presque rien, puis le percept de vide dans L’aïsthésie du vide, puis enfin le concept de vide, dans Être :Rien, à chaque fois, je fus reconduite aux limites de la représentation, je décidais donc de travailler ce concept de représentation, à l’aune de son corolaire, l’irreprésentable, cet ensemble vide qui régit notre représentation comme son fondement et ses limites.
Je choisis alors de travailler sur la Bible depuis ses origines les plus anciennes, j’aurais pu choisir l’apeiron, le feu, ou autre, je choisis la Bible car mon état de santé ne me permettait pas de travailler sur un philosophe précis, qui en l’occurrence eut dû être Heidegger, ou Levinas, qui tous deux ont eu une approche de l’irreprésentable, relativement à la représentation, mais surtout, le mieux eut été de confronter ceci aux données de la physique quantique, en termes d’histoire des idées, et des concepts, et tenter de faire émerger une idée claire de ce référentiel humain dans lequel nous élaborons tous nos pensées, quelles qu’elles fussent.
Cependant, pour ce faire, il me fallait aborder l’origine même dans lequel ce référentiel a pris corps, j’avais déjà travaillé la pensée grecque, je voulais aborder la pensée juive, en corrélation avec la pensée celte, ce qui formera peut-être un autre travail de recherche, penser, ou tenter de circonscrire le référentiel humain oblige à s’intéresser à tous les domaines de la connaissances dans lesquels l’esprit humain œuvre et s’œuvre lui-même, domaines pratiques, théoriques, spirituels, corporels. C’était une gageure, en tant qu’athée et sans religion, mon approche ne pouvait être que philosophique, mais cela me demandait de mettre de côté l’approche traditionnelle de la philosophie pour entrer en une pensée, la pensée juive, et une méthodologie dont j’ignorais tout.
Je crois que cette approche que j’ai voulu avec le moins de préjugés possibles, le moins de présupposés théoriques, mais avec cependant des "intuitions fulgurantes" sur ce texte dont je trouvais confirmation dans certains textes de la pensée juive, est en cela originale, et dépasse les frontières de la seule source juive, pour offrir un regard sur la genèse de la représentation à travers la genèse de la rationalité dans ce texte.
Il ne s’agit pas d’être exhaustif, dans aucun domaine du champs des connaissances humaines, mais de retenir dans chaque secteur de la connaissance humaine les structures qui pensent et font penser, de telle sorte de pouvoir un jour, créer une modélisation de ce référentiel humain que l’on a trop souvent tendance à fragmenter, en raison de la spécialisation des savoirs, et par quoi se manque l’unité de ce tout qu’est l’humain en une vision holistique, qui seule peut permettre de penser comment et pourquoi l’humain pense et d’abord se pense, lui et le monde, lui dans le monde.
Travailler sur la bible était pour moi un chemin d’accès, d’après les sources juives, plus proches du texte, pour penser la représentation à travers le prisme de contes et de mythes de l’origine relatifs à un irreprésentable, ici non pas un ensemble purement vide, mais un personnage ‘Dieu’ qui est aussi un concept vieux de 3200 ans, qui fonde en partie notre penser au monde, et dont le caractère vide, en tant qu’inconnaissable me reliait encore à mon travail sur le vide.
Comment en effet approcher un irreprésentable sans comprendre ce que signifie ce terme de représentation, ses aspects, ses conditions d’apparition et de facteur agissant le penser humain.
Suite à ce travail, un temps de latence que je consacre à la danse, à l’aliénation mentale, et à la pensée de Schrödinger en regard du bouddhisme tibétain, sont des modes de mise à distance de mon travail de recherche en philosophie pour voir venir mon prochain ouvrage, laisser le sujet émerger de rien, du vide, de cet espace de liberté associatif que forme l’inconscient en travail.
Si je désire tant penser le référentiel humain, c’est pour approcher au plus près cette notion d’irreprésentable, pour moi le vide, mais il y a fort à parier que ma structure psychique associative me mènera très loin de tout cela afin de trouver en un ailleurs fécond un autre chemin que je n’avais pas envisagé de prime abord.
C’est cela, une crise de la pensée, lorsque l’achèvement d’un travail produit un espace vidé de toute pensée, crise dont nul ne saura s’il pourra en sortir et s’il n’en sera pas remis au néant de tout pensée, y a-t-il un avenir pour ma pensée, à partir de cette confrontation entre la représentation et le vide dont elle émerge et qu’elle caractérise comme d’une chose qui alors ne serait plus le vide. Tout comme un Dieu ne saurait être encore irreprésentable si nous le qualifions de compétences anthropomorphiques.
Alors me reviennent l’éthique kantienne, ses questions philosophiques, que puis faire, que puis espérer, qu’est-ce que l’homme, ou dans mes propres termes, qu’est-ce que l’humain, comme d’une chose qui nomme un horizon possible, en philosophie, pour mes propres capacités d’accueil, de questionnement et d’écoute, que puis-je accueillir, que puis-je questionner, que puis-je écouter ?
Tout ceci me donne à penser qu’un travail intéressant pour moi, à l’heure actuelle, serait à l’autre bout de la chaîne examiner les apports imaginaires et créateurs dans l’exercice même de la pensée et des idées scientifiques, comment elles émergent, de quelles intuitions, de quel irrationnel elles sont le signe ?.
Pour l’instant, la latence me tient dans un regard qui forme une sorte d’autoanalyse philosophique, voir d’où je viens pour savoir où je me dois d’aller, et en attendant mon horizon, laisser la littérature, la poésie, les arts plastiques, et même les sciences se donner en moi comme autant de nourritures célestes, à moins qu’elles ne soient jamais que purement terrestres, comme le disait André Gide.

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