La
critique de l’idée de néant proposée par Henri Bergson au début du 20ème
siècle dans L’évolution créatrice et La pensée et le mouvant est au fondement
de la constitution de sa conception de l’élan vital et de la pensée en durée en
tant que présences émergentes, créatrices et continuées de ce qu’il y a. Sa
position conceptuelle est simple et logique : il n’y a pas de néant, si le
néant est considéré comme le non être, car non seulement si nous abolissons
tout ce qu’il est, nous ne pourrions abolir l’acte de l’esprit par lequel nous
abolissons ce qui est, mais qui plus est, ce que nous nommons non être n’est au
fond pas autre chose que cet être qu’il y a et dont nous ne voulons pas, ne
considérant que l’absence de ce que nous voulons mais qui n’est pas là. Le
néant est donc la chose absente haussée, par un déficit de la raison et de
l’intelligence, à l’idée d’un non être généralisé et rationnel. Il ne saurait
donc y avoir de néant, d’autant rappelle t’il, que la négation par laquelle
nous accédons à l’idée de néant n’est elle-même rien de négatif dans l’ordre de
la réalité, mais une opération de l’esprit par laquelle nous corrigeons par
anticipation les erreurs de jugement portés sur les choses, sa visée étant
pratique et non ontologique, et consistant toujours en une double opération sur
la chose dont elle doit confirmer l’existence pour pouvoir enfin la nier.
Bergson tend à montrer que la négation comme le néant, sont des productions a
posteriori sur l’existant, ils ne sauraient être ni des images, ni des
concepts, ni même des opérations simples, primaires et originels, ce ne sont
que fausses idées induisant de faux problèmes dans le champ de la réflexion
philosophique, tant dans l’ordre de la connaissance que dans celui de l’être.
C’est ainsi que Bergson clôt définitivement la question du néant, ce qui, comme
le montre Bento Prado, lui permet de proposer l’idée
d’un réel tout de positivité conçu comme présence et champ transcendantal par
lequel la pensée intuitive saisit et est saisie dans la durée et dans l’élan de
création continuée du réel, et partant, de l’être. La conclusion qui s’impose
alors est que le néant est plus être que l’être, le vide plus plein que le
plein, le rien plus chose que la chose, puisque dans son esprit, néant, vide et
rien sont synonymes, et c’est donc le néant qui surgit sur fond de l’être, et
non l’inverse.
Si
nous acceptons ses prémisses, à savoir que le néant soit conçu par la
métaphysique traditionnelle comme le fond préalable sur quoi vient émerger
l’être, c'est-à-dire comme un cadre spatio-temporel précis dans la matière, à
l’origine de toutes choses, d’une part, et comme l’antithèse symétrique et
réelle de l’être, non être, d’autre part, alors nous ne saurions décemment lui
donner tort. Mais fonctionnant de la sorte, Bergson utilise un syllogisme
aristotélicien qui le fait penser dans et à partir de la métaphysique dite traditionnelle
et surtout officielle depuis que Leibniz l’a énoncée comme suit :
‘Pourquoi de l’être plutôt que rien ?’. Poussant sa démonstration logique
à son terme, si nous disions la simple phrase ‘Dieu n’existe pas’, certes nous
corrigerions une erreur de jugement, mais il faudrait convenir à la suite de
Bergson que ‘Dieu existe’ a plus de réalité et d’idée que son inverse, il
faudrait par conséquent soit déduire que, l’existence de dieu étant par essence
improuvable et inexpérimentable autrement que psychologiquement et donc dans
l’ordre de la croyance, la position générale, qu’elle soit affirmative ou
négative, est une aporie de la raison, et la dénoncer comme faux problème à
clore sans détour, tout en prenant en considération que le lien établi par Bergson
de la positivité à la réalité, contre négativité et non être n’est ni si clair,
ni si évident que cela[1], soit déduire, et c’est le pas que franchira Bergson,
que dieu existe, par pure démonstration logique et rationnelle, ce qui revient
à infirmer toute la valeur de la position qu’il a pris soin d’argumenter pour
éloigner les faux problèmes et les illusions d’une raison tournant à vide, et
remet en question, par conséquent, toute la valeur qualitative d’une pensée
positive de l’être comme présence créatrice et transcendantale, car une telle
présence, prise dans la durée et dans cette pensée en durée ne peut admettre
l’idée d’un dieu traditionnel, il montre ainsi que même une affirmation peut
produire de fausses idées. Il en fera d’ailleurs lui-même la remarque,
lorsqu’il pensera le langage, source de toutes nos erreurs, comme ‘l’une des
racines de la sécrétion du négatif et des autres mirages de l’entendement’[2].
Le
fait est que la question du néant reste posée, malgré la distinction et la
valeur du raisonnement de Bergson, et bien qu’il ait à juste raison une pensée
en durée de cette présence transcendantale. Cette question reste d’actualité
sur au moins deux points, rien d’abord n’oblige l’entendement à considérer ces
prémisses comme valides et poser le problème de cette manière là, et
contrairement à ce que pense Bergson, il semble bien exister une expérience du
néant, immédiate et positive, incarnée, même si cette dernière, de fait,
demeure impensable dans la durée, et demande à être déposée comme expérience
dans le passé, c'est à dire cristallisée par l’entendement, afin que la
remémoration nous fasse accéder à une possibilité de dotation de sens à cette
expérience, à travers langage et concepts, fussent-ils source d’erreurs, non
plus dans la présence, mais dans cet être discontinu que génère notre
intelligence. Canguilhem le dit joliment sous la forme d’‘il n’y a de néant que
sentimental.’[3] Cette expérience est celle de l’angoisse ; cette
affection, toute psychologique et par delà même psychique, est la réelle mise
en abîme de l’être. Cette angoisse absolue que Bergson et Heidegger, à divers
degrés, posent à l’origine de l’idée de néant, et par quoi nous voyons dans
l’expérience qu’il s’agit bien du néant jaillissant sur fond de l’être, cette
angoisse est ce en quoi un être humain fait l’expérience, pathologique, certes,
de la mise en effondrement de soi-même, de perte totale du sens de la vie et de
soi et de la néantisation absolue par désintégration massive de toute forme
d’affect, de percept ou de concept autre que cette angoisse fulgurante, que la
psychopathologie nomme état de panique, où la mort, la finitude, devient une
exigence absolue et immédiate, où rien n’est plus, là où devait être une
identité. Cette expérience de désintégration absolue de toute identité n’a rien
de commun avec une absence, un manque, ou un désir inassouvi, elle n’est rien
non plus de logique, elle dépasse toute forme de compréhension, elle ne peut
être que vécue, et Bergson a juste titre estime que de là nulle image et nul concept
ne peut advenir : l’expérience du néant comme telle demeure impensable, il
ne peut en jaillir aucune idée de transcendance, ainsi qu’il l’énoncera avec
justesse, une telle expérience condamne l’être à sa propre subjectivité, où son
absence, elle reste un fait psychologique et psychique qui n’ouvre à aucune
transcendance et ne peut être dépassée autrement qu’en se laissant porter par
l’émergence du nouveau dans la durée. C’est sans doute le reproche que l’on
pourrait faire à Heidegger, qui dans Qu’est-ce
que la métaphysique répond point par point à la démonstration de Bergson,
de n’avoir pas su déceler que de l’angoisse ne jaillit que de l’angoisse, et du
néant le néant, comme non être cette fois-ci, et non ce dépassement qu’il
propose vers une ontologie produite par l’expérience de l’angoisse qui de fait
n’a rien de ni reposant ni de suspensif.
Mais
les positions de Heidegger, comme celles de Bergson, se répondant en quelque
sorte l’une l’autre, ne sont pas si tranchées. C’est à ce point qu’intervient la
question de l’adoption a priori des prémisses proposées par Bergson. Il semble
qu’il ait là pêché par manque de précision dans son usage du langage, qui
intervient à nouveau ici. Pensant en français, Bergson considère comme chacun
que le néant, dérivé du latin ne ens,
signifie tout naturellement non être, il aura alors tout loisir de montrer que
ce néant est un contresens et une illusion de la raison, bien qu’elle n’en soit
pas une vue de l’affectivité, mais il s’agit ici d’une pensée en français.
Heidegger va montrer que ce que nous traduisons chez lui indifféremment par
néant ou rien ne signifie pas forcément non être. Il y est autorisé dans sa
langue, car, en allemand, le terme utilisé pour définir ce que nous traduisons
par néant ou rien ou vacuité est das
nichts, qui n’est en aucune manière issu du mot sein, l’être, et ne s’y réfère d’aucune manière au niveau du sens.
Ainsi il serait possible d’envisager la question autrement qu’à partir du
raisonnement français traditionnel, qu’appelons-nous néant, si le néant n’est
pas le non être, et si donc en français, il faudrait convenir d’un autre terme.
À quoi pensons-nous lorsque nous pensons néant ?
Heidegger
va d’abord montrer que ce n’est pas comme l’entend Bergson, la négation qui
produit le néant mais le néant qui génère la négation, laquelle, comprise comme
opération logique de l’entendement, en même temps que forme particulière de
l’échappement et de l’indétermination qu’est le néantir du néant, se trouvera
placée en position secondaire relativement au néant dont elle ne sera qu’une
expression, ce qui permettra à Heidegger de positionner le néant comme
antérieur et originel par rapport à l’entendement, la raison et sa logique de
pensée. Pensant ailleurs et autrement que Bergson, il supposera que le néant
n’est ni la chose niée, ni la négation radicale de la totalité de l’existant,
mais au contraire l’indétermination et l’indifférence absolue, celle là même
que Bergson accordait à la négation en proposant l’idée qu’elle reste toujours
indéterminée, c'est-à-dire non achevée et à venir, sous sa forme affirmative,
mais cela n’a chez Heidegger rien de négatif. Le néant ne sera alors ni le non
être, ni le non étant, mais l’indétermination absolue de l’être qui lui-même,
s’il devait être la totalité de l’existant, demeurerait impensable comme tel,
la totalité de ce qui est n’étant jamais à proprement parler donné à notre
conscience. Heidegger va définir le néant comme ce recul par quoi l’ensemble de
ce qui est va se donner à nous, c'est à dire, en tant que justement il ne se
donne pas : ‘le néant se dénonce avec et dans l’existant, en tant que
celui-ci nous échappe et glisse dans tout son ensemble’.[4] Le néant n’est pas l’anéantissement de l’être, ni sa
négation, mais ce en quoi il nous échappe, et donné précisément comme glissant,
il révèle l’être, il ne lui est pas préalable, ni n’est son fondement, mais il
est cet être même, point de fuite infini du réel, dans lequel nous nous
trouvons retenus, réalité humaine s’y réalisant. Ainsi le néant ‘se dévoile
comme composant l’être de l’existant’.[5] Nous savons que pour Heidegger l’être, qui n’est rien
d’étant, demeure indéterminé en ce qu’il n’est pas, et c’est en cela qu’il
diffère de l’existant qui lui est toujours déterminé, ceci ou cela, mais
toujours quelque chose autre en quoi l’être se révèle en temps même qu’il se
dérobe. Les séminaires du Thor de
1969 énonceront la proposition sous la forme aboutie : ‘Être : Rien’,[6] c'est à dire aussi rien : être, faute de quoi,
étant quelque chose, l’être ne serait pas l’être, mais l’étant, or il n’est
rien d’étant. Nous ne sommes pas si éloignés de Bergson, pour qui le néant ne
peut être autre chose qu’une forme d’être, l’affirmation d’un existant sur le
mode discontinu de l’entendement, ou de la présence, sur le mode continu de la
durée, même si pour lui c’est la joie et non l’angoisse qui permettra le
dépassement de la subjectivité vers la transcendance de la présence,
dépassement qui lui permettra de débouter le dualisme sujet - objet dans la
coïncidence silencieuse de la présence et de l’élan vital.
Les
traductions de Heidegger emploient indifféremment néant, rien ou vide, selon la
tradition conceptuelle française à laquelle se rattache aussi Bergson, faisant
de ces trois termes des synonymes, et leur accordant indistinctement le même
sens. Une précision étymologique s’impose cependant, si, selon les préceptes
même de Bergson, nous voulons penser avec précision, quitte à commettre
quelques répétitions. Le néant, en français, ne peut être rien d’autre que le
non être, dont l’expérience, si elle permet de concevoir et d’actuer le concept
de néant lui-même, ne permet pas en revanche ce passage à la transcendance et
l’ontologie qu’on lui confère d’ordinaire, mais il n’en va pas de même du vide
et du rien. Le rien, nous l’avons souvent remarqué, est un complément d’objet,
un prédicat, une propriété, il est la chose d’une chose, la réalité d’une
réalité, l’être d’un être, il ajoute sa qualité d’être à un être. Étrangement,
Vladimir Jankélévitch, le penseur du presque rien, de l’apparition
disparaissante et de ce dieu qui fait être sans être lui-même, sur quoi il
calquera l’activité de création humaine, pêche lui aussi par flou intellectuel
lorsqu’il parlera dans son commentaire sur Bergson de ‘cette idée absurde que
le rien est la plus petite existence concevable, que le néant est la limite de
l’infinitésimal et que les présences, à force de se raréfier, finiront par
devenir des absences’.[7] Car le rien est bien, dans son étymologie même, la
limite de l’infinitésimal, l’indéterminé en l’existant, la plus infime idée
d’existant concevable, non en quantité, mais en qualité, celle que nous pensons
précisément indifférenciée comme ni chose, ni réalité, ni être, et qui requiert
la négation en ‘ne rien’ ou ‘rien ne’ pour devenir à son tour chose négative et
niée, ou plus précisément prédicat qualitatif de la chose niée, c’est dire tout
autant que la chose de la chose n’est pas chose, la réalité d’une réalité n’est
pas cette réalité, et l’être d’un être n’est pas cet être, mais sans pour
autant qu’il s’agisse d’une raréfaction des présences, remises bientôt à
l’absence. Le rien, tant que ne lui est pas adjoint la négation, est chose
pleine, positive. Ainsi que le rappelle Deleuze citant Bergson, ‘‘le problème des faux problèmes c’est ‘de
toutes manières la manie de penser en plus ou en moins’’’[8], mesurant quantitativement le réel au lieu de tenter
de le qualifier au plus juste de ce qu’il y a. Ainsi, la limite de
l’infinitésimal, qualitativement, est l’infiniment présent sans détermination,
à la limite pensable ; le rien ne serait pas la plus petite existence
concevable, mais plutôt la conception d’une réalité et d’une existence
imperceptible et imprescriptible, une propriété de la matière à n’être rien que
rien.
Cette
idée d’être, à la fois différent et indifférencié rejoint le terme de champ que
Bento Prado utilise pour définir la pensée de Bergson, le champ étant bien
précisément non pas une chose, un espace mais cet état de la matière en
physique qui reçoit dans l’existence les impulsions des quantons ou transmet
les forces de la matière inter agissantes entre elles. Le terme fit son
apparition pour décrire la matière à la fin du 19ème siècle et prit
son sens actuel dans la première moitié du 20ème siècle. À travers
ce concept de champ, nous pourrions aussi repenser le vide. Dérivé du mot latin
vacuus, le vide a toujours eu ce
double sens d’être soit espace inoccupé, désignant ainsi un cadre, un espace
d’absence, dans la matière ou hors d’elle, sens que la physique a largement
privilégié, finissant quasiment par le rendre légitimement unique, soit ‘être
libre de’, c'est-à-dire, encore, libre de détermination, sens qui sera presque
exclusivement réservé au terme de vacuité, mais qui appartient en propre au
terme vide. Lorsque Heidegger parle ainsi de vide, de néant ou de rien, c’est
au double sens de vacuité et de rien tel que nous venons de le définir qu’il
faut l’entendre, et malgré la faiblesse de nos traductions subordonnées à notre
propre système sémantique et conceptuel, c’est de cette liberté là à ne pas
être, nécessairement, entièrement déterminé que la réalité humaine réalise sa
réalité comme être là. Nous pourrions aussi ajouter pour conclure que la
physique quantique, qui pose aujourd’hui des questions réservées hier aux seuls
métaphysiciens, privilégie le sens du vide comme état du champ d’énergie de
point zéro, ce qui n’est pas sans rappeler le concept vide de Frege, au niveau
sémantique, c'est à dire un vide qui est un état de la matière, et peut-être
une matière médiatrice où l’énergie, nulle, ne laisse pas d’expérimenter
certaines fluctuations infinitésimales et virtuelles, ou, ainsi le dirait
Vladimir Jankélévitch en métaphysicien, existantes un instant comme pure
apparitions disparaissantes.
Ces précisions sémantiques n’invalident aucunement les
arguments de Bergson ou Heidegger, mais
nous conduisent à envisager que ce qui réellement engage le dépassement de la
subjectivité et par quoi ‘nous flottons en suspend’, dévoilant le rien, le vide
ou l’être, cette présence transcendantale qui chez Heidegger comme chez Bergson
est création continuée, serait surtout la sensation même de vide. Où l’angoisse
défait et la joie exalte sans arrière pensée, la sensation physique du vide
enveloppe le vivant et le remet à la transcendance de manière plus certaine.
C’est dans cette présence là même que se donne la sensation de vide, présence
de vide qui n’est autre alors que la forme physique du sentiment de sérénité et
du concept de vacuité, et qu’apparaît, ainsi que le note Bergson, non seulement
la pensée en durée, l’intuition de la présence, mais aussi la coïncidence de
l’objet et du sujet dépassé, la coexistence immédiate, sans médiation, de
l’univers psychologique et de l’univers physique, et notre idée d’infini. C’est
dans cet état de la matière vivante pensante que se déploie la pensée en durée,
dont on pourrait dire, contre et avec Bergson, qu’en tant que coïncidence elle
ne s’attache à rien, ne se fixe sur aucune détermination, ni aucun état,
changeante au gré de l’élan vital, contre toute forme de station, sensible,
affective ou conceptuelle, ce qui reviendrait à faire de la pensée intuitive,
paradoxalement, une pensée vide, c'est-à-dire pleine de présence, et non de
résistances. Cette intuitivité n’est pas donnée immédiatement dans la
discontinuité de l’esprit ordinaire, mais elle se montre, là, réellement
présence, coïncidence, que ce soit dans le silence du mystique, la méditation
du moine zen, la parole du poète ou du prophète, qui est toujours silencieuse.
Ainsi, quoiqu’il en soit du néant, la question de la présence se dépose dans le
silence de l’humble, ou la philosophie ne peut mot dire. Le langage, qui est
indispensable pour penser le réel, selon les termes mêmes de Bergson, mais crée
les dualismes ou les erreurs, et fait oublier la présence dans sa continuité,
est aussi et c’est ce qu’Heidegger a voulu montrer, ce en quoi advient la
parole poétique qui est et demeure cette parole du silence et redonne à
l’esprit la pulsation continue du réel, quand elle touche au retrait même de la
présence et se garde de toute prédication quantitative ou qualitative sur ce
qu’il y a.
Bibliographie :
L’évolution créatrice, Henri Bergson, Quadrige, Puf, Paris, (1941) 1996
La pensée et le mouvant, Henri Bergson, Quadrige, Puf, Paris, (1938) 1990
Henri Bergson, Vladimir Jankélévitch, Quadrige, Puf, Paris, (1959)
1999
Le bergsonisme, Gilles Deleuze, Quadrige, Puf, Paris, (1966) 1998
Présence et champ transcendantal, Bento Prado, Europaea memoria, Olms, Zurich, 2002
Présence et répétition : Bergson chez les
phénoménologues, Élie During, Critique
n° 678, Paris, 2003
Commentaire au troisième chapitre de l’évolution
créatrice, Georges Canguilhem, in Annales Bergsoniennes III, Épiméthée,
Puf, Paris, 2007
Qu’est-ce que la métaphysique, Questions I, Tel, Gallimard, Paris, (1968) 1993
Les séminaires du Thor, 1969, Questions IV, Tel, Gallimard, Paris, (1976)
1990
[1] Le raisonnement de Bergson est l’opposé exact du
raisonnement développé par Gottlob Frege à la fin du 19ème siècle
qui conduira ce dernier à poser que d’un point de vue formel, l’affirmation
n’est pas création et la négation n’est pas destruction. Frege définira une
limite très nette de la charge ontologique
du concept qu’il subordonnera à la charge
sémantique. Il montrera que le concept ne peut être formé abstraitement à
partir d’une pluralité d’individus, c'est-à-dire de l’être, car il se peut
qu’il y ait des concepts vides, des concepts qui n’ont pas de propriété
d’existence et dont le nombre équivaut à zéro. Si les concepts étaient formés à
partir de ce qu’il y a individuellement, il n’y aurait pas de concepts vides,
ni même la possibilité de les penser. Or des concepts comme ‘centaures’, ‘fer
de bois’, qui sont des concepts positifs, sont aussi des concepts vides. Si
l’existence est la négation du nombre zéro, nier le concept vide, c’est
affirmer l’existence qui ne peut se rapporter à des individus (Socrate) dont
l’existence est présupposée par le fait même, mais à des concepts ou des
propriétés de concepts, (hommes, mortels, etc.). Frege veut mettre en évidence
qu’il n’y a pas de présupposé ontologique aux concepts, leur existence étant
donnée a posteriori comme négation de l’ensemble vide et confirmation de la
positivité de la mesure. Ainsi, le vide et la négation sont créateurs de sens
et de réalité, fusse t’elle non existante comme un centaure ou un dieu. Voir Les fondements de l’arithmétique,
Gottlob Frege, L’ordre philosophique, Seuil, Paris, 1970.
[2] Présence et
champ transcendantal, Bento Prado, Europaea memoria, Olms, Zurich, 2002, p.
37
[3] Commentaire au
troisième chapitre de l’évolution créatrice, Georges Canguilhem, in Annales Bergsoniennes III, Épiméthée,
Puf, Paris, 2007, p.156
[4] Qu’est-ce que la
métaphysique, Questions I, Tel, Gallimard, Paris, (1968) 1993, p.60
[5] Idem, p.69
[6] Les séminaires
du Thor, 1969, Questions IV, Tel, Gallimard, Paris, (1976) 1990, p.435
[7] Henri Bergson,
Vladimir Jankélévitch, Quadrige, Puf, Paris, (1959), 1999, p.208
[8] Le bergsonisme,
Gilles Deleuze, Quadrige, Puf, Paris, (1966) 1998, p.9
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