Titre de la pièce : Solstice
Chorégraphe : Blanca Li
Percussions et chant : Bachir Sanogo
Danseurs :
Yacnoy Abreu Alfonso, Rémi Bénard, Sandrine Chapuis, Iris Florentiny,
Joseph Gebrael, Genci Hasa, Yann Hervé, Aurore Indaburu, Claire Indaburu, Samir
M’Kirech, Gaël Rougegrez, Léa Sélomon, Yui Sugano, Victor Virnot.
Feu Terre Eau Air…
Le feu scintille, l’eau frissonne, l’air sue, la terre mue. Les
volcans en éruption sonnent le glas de la terre, et l’on ne voit danser nul
danseur, pris dans le flot d’une roche déchaînée.
Le voile se terre, brume ténue sur les flots de l’existence.
Entre murs pollués et strates géologiques, ombre chinoise de
l’humain qui danse encore la percussion de la vie face à son propre désastre.
Ni visibles, ni voilés, les gestes archaïques ramènent nos anciens au
lieu de cette humanité mue par la terre, et dans le reflux d’une mémoire
ancestrale, lève le voile de la terre.
Tempérance…
La gente humaine est toujours bavarde qui scande au sol l’appel de la
terre.
Scander, scander l’urgence, la valeur de l’humain, de sa terre, à
travers son corps, sa voix, ses mains, ses pieds, sa frénésie, remplie du silence
de cette terre qui lui répond encore malgré tout, malgré lui.
Pneuma, un même souffle pour
tous : terre, eau air feu, humain, un même souffle, une même cadence,
danse de l’humain dans l’onde de ses gongs, de son rythme, et de l’eau qui
goutte à goutte ne tombe plus du ciel.
Alors le feu, évincé, dévaste tout, comme un miroir de nous-mêmes.
Et l’humain ploie, se plie et sursaute :
Eh ! Eh ! Eh ! Réveille-toi humain de la terre, le
terme n’est plus très loin, qui te verra périr sous les coups de toi-même.
En rythme s’organise la résistance des corps, l’appel que lance
l’humain n’est pas lointain, et vient du fond de l’âge rappeler l’origine
commune à tous, de tous les peuples, de toutes les terres, de toutes les
espèces.
Et les gestes ancestraux, si vivants et présents, s’imitent d’un
peuple à l’autre. Viens, disent-ils et danse, vis cette terre, qui, au coin du
feu nomment les mythes que le vent fait fleurir.
Coules-toi comme s’écoule la terre, telle une rivière dans le creux
d’une oreille enfantine, et s’arrête hébétée, aux portes de la disparition, et
se relève, majestueusement sur chacun de ses silences.
Silence, encore, plus un bruit, une prière, et l’autre en partage dans
le contact des sens.
Aimer, vital, près du sol qui nous accueille sans bruit…
La communauté de l’enfant humanité, qui s’accorde sur un point et
tente d’être pour l’autre ce qu’il est pour lui-même, et touchant dans sa
lutte.
BamBam : le cœur en feu
et la terre en larmes de vent.
Accord, manquant, présent, vivant, comme la déesse, terre, mère, lune,
vent.
Et la femme dévoile la brume, mais cet air qui la retient à contre
temps, pour la nature, danse de voile et de vent, mais s’y tenir, fière,
droite, inversée, et debout encore, dans ces voiles brumeux de Shaolin, air contre air, terre contre
terre.
Chorale, scander la pulsation de la terre, et tôt empêchés d’avancer,
résistent, résistent et ne résistent plus, accueillant le vent, et debout, non
résistants, devenant le vent.
Terre, rouge, chante l’appel à la guerre, contre soi-même, pour le
feu, pour l’air, pour l’eau et pour la terre, lutte contre ce tsunami que nous sommes pour nos peuples
et nos terres… Sans fin ce chant nomme et mêle ces éléments.
Et l’homme. L’homme voile et dévoile son corps, nu, tous ces corps qui
ont oubliés d’être nus face à eux-mêmes. Quand la femme entre dans le voile de
l’homme et s’élève, c’est tout notre espoir déchirant qui revient encore, et
s’en va, râlant, reprenant malgré lui tous les souffles de notre humanité, ces
souffles qui parlent sans ne dire mot, et meurent, ressuscitent, blessent,
apaisent, aspirent, aiment et se dégonflent.
Le souffle conditionne les relations non verbales comme une danse de
l’animal que nous sommes encore et que le souffle ne grandit plus.
Corps amoncelés dans l’invisible que la mer rend à la terre et que la
vague fait disparaître.
Bleue, bleus, couchés dans le lit de la mort, dormant encore dans le
même mouvement, et que l’humain seul relève, planant sur lui-même comme un ours
fatigué, un oiseau de feu qui n’agite presque plus le ciel de ses ailes, comme
une vague errant dans le ciel et que le chant conduit à la perte.
Et la perte rappelle la beauté de la terre, de ses chants, de ses
rivières que les humains savent encore aimer. Un chant pour sauver la terre. Un
chant pour cet humain au bord de l’évanouissement choral.
Yin-Yang, Yin-Yang, la mesure du monde : acter, tenter, la
tentation, l’esquive encore. Et dos à dos comme ce mur que nous pouvons aussi
être pour l’autre, parfois dans la peur, dans la douleur, dans le grognement de
nos corps silencieux que la pierre masque au regard de l’autre.
Et l’absorption magnifique de tous dans l’invisible de la masse qui
bâtit et construit son regard, sa parole, ses aspirations sous-jacentes et non
dites.
We need water. Ce
que disent les Massaï et bien d’autres, et bientôt, la terre épuisée : we need water. L’eau, la part manquante
de l’humain, commence le fadô d’un
griot que la sécheresse ne réduit pas au silence, we need water, quand trop d’un côté et pas assez de l’autre… Alors
invoquer le ciel pour que ceux qui se jouent de l’eau ajoute l’eau à la
donation pour la vie.
Danse de l’eau, danse du ciel pour que s’en vienne l’eau. Comme un
appel sourd et muet, quand l’araignée elle-même s’abat sur nos lèvres et que l’animal
même prie le ciel et espère la donation sur une terre qui elle-même ne peut
plus donner.
Alors on se lave avec du sable, quand seul le sable tombe du ciel, et
de la cendre, quand seule la cendre tombe du ciel. Cendres, terres, sables,
regain de désespoir, et derechef résiste et se bat.
Que reste t’il de nous, que reste t’il de ceux que la soif attise,
quand la beauté du désespoir ne suffit plus et que le chant et la danse scandent
encore le pouls de la vie, de la terre et de la cendre ?
Comme un battle entre l’humain
et son désespoir, comme un battle entre
la terre et son espoir, battle pour la vie, jour et nuit, East, North, South, and West side story de la survie…
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