S’éditer soi-même m’a toujours
parue stupide, mais en réalité, cela permet d’avancer toujours plus loin sur
son chemin, comme une forme de nécessité à se défaire d’une pensée passée, afin
que d’aller vers une autre, encore inconnue et non advenue. Il faut, à un moment donné, jeter en pâture
au domaine public son écriture, sa pensée, non pour recueillir des
commentaires, des avis, des opinions, des objections, des questions, mais pour
s’en libérer soi-même, mais encore faut-il y être prêt soi-même. .
Depuis maintenant 17 ans que j’écris,
et quand bien même tous ces écrits sont-ils dépassés par la pensée présente,
une pensée qui n’existait pas encore du temps de mon écriture, je dois me débarrasser
de tous ces écrits. Débarrasser ne signifie pas autre chose que de m’ôter des
bras ces textes qui m’empêchent d’en prendre d’autres, il s’agit pour moi,
maintenant de faire le vide en moi, le silence, de libérer mes bras, afin de
renouveler ma terre, de purifier mes rivières, de laisser émerger d’un vide
fécond tout ce qui a déjà été dit, et que de l’autre vienne.
Tous mes textes vont donc ainsi
être publiés sous la forme de blogs, comme des livres ouverts à tout public, ou
à aucun, selon le désir de l’autre, il y en a beaucoup, j’aurais sans doute pu
aussi rechercher un éditeur, ou proposer ces textes à mon éditeur, mais un
livre édité me suffit, il est ma récompense personnelle, et la reconnaissance
qu’il m’octroie de surcroît suffit à apaiser le besoin de reconnaissance dont
tous nous avons besoin.
Je vais donc donner mes livres au
monde, peu à peu, et le premier livre sera Parfois
troublée d’un autre…, Il était à paraître, il ne l’est plus, mais cependant
il vivra sa vie sans moi sur le blog qui lui est consacré, et qui lui-même sera
bientôt prêt pour la lecture.
Il m’a été demandé de traduire en
anglais ma pensée, afin que tous puissent la lire, mais la tâche serait pour
moi-même titanesque, car il me faudrait connaître l’anglais comme je connais le
français, ce qui n’est pas le cas, le français est une langue que je maîtrise
suffisamment pour pouvoir penser en elle et d’elle faire jaillir de la pensée.
On pense toujours dans une langue, singulière, vivante et vibrante en soi de
toute la pensée du monde, et ce me serait aussi temps et pensées perdus si je
devais me traduire moi-même, mais à parler, comme je le fais ici, sur ce
journal intime nommé le livre du visage, et comme le pensait Levinas, il serait
hors de question pour moi de perdre mon visage en me réfléchissant moi-même,
comme un retour à la vulgarisation de mon propre visage. Car, faire retour sur
soi, de cette manière là ce n’est autre, il avait raison, que de se perdre
soi-même.
Le visage, comme une porte est un
seuil, un seuil vers l’intime, public, mais intime, ce qu’il nous livre de
nous-mêmes est parfaitement ce que nous sommes, et ma langue est ma terre, et
mon visage, et l’atelier de mon pays, et mon voyage se fait en elle.
Quant à moi, je m’amuse, ma vie m’amuse,
ou peut-être ma vie ma muse, je ne sais, toujours est-il que je m’amuse en
français, dont je suis de la langue, car la langue contient l’humain dans son
propre langage créateur, comme un gage de sa vivacité féconde.
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