Variation poétique sur :
AKHMATMODI, Cie Autre
MiNa
Création : Juillet 2016 à Saint Pétersbourg
Chorégraphe : Mitia Fedotenko
Danseurs : Mitia Fedotenko, Natasha Kouznetsova
Bustes : Anastasia Makarova, Alexandra Murasch
D’un roc brut au visage où le corps de la femme apparaît, du visage
aux pieds fut un temps de caresse, loin de l’entête créatrice. L’enfer et la
solitude ininterrompus par la présence de l’autre encore absent, et crier,
crisser, se donner au visage de plâtre l’impossible relation.
C’est à elle que revient le soin de guider l’autre anéanti d’inconnu,
par les mots, hors les lignes.
Spasmes de folie réinventés par la mort, au son du néant qui colle aux
corps démunis. Mais à terre enfin, l’horizontale est la verticale qu’emportent
les corps. Tristes âmes, prises dans leur songe d’isolement qu’égrène chaque
appui.
L’une vit, l’autre pas, l’un dit et l’autre non, quand vider la scène
de la vie rapproche et contraint, l’amour malgré le rien et le temps.
Contingence de la concordance, destinées similaires et dissemblables, le mot et
la chose, la plume et le pinceau, l’encre et le taille plâtre. Agonie, où la
création sombre dans le gaspis.
Alors, s’essayer à la vie de l’autre, sa folie, son génie, sa misère
et sa magie. « Tu es à moi », en cela, par les mots d’un corps sans
arme.
Huit visages pour un infini, et que l’un meurt, l’autre le ramène à la
vie.
La fluidité de la création, exister, libertés et joies libérées. Et
soudain, la mort, perdue, perdition d’un corps qui prend la forme de ces visages
de plomb, de plâtre et de sang.
Jusqu’à cette épure que le dépouillement accorde à toutes choses, mais
s’en relever, tête par-dessus jambes et mondes, tandis que choient les
poussières des ciels, d’une œuvre que l’on donne à l’autre, et que l’autre
porte en l’un.
Une voix, des mots, une langue, que le poète lance au monde et donne à
l’infini du visage comme son sang même, celui que les mots accordent au monde,
dans l’atelier du sculpteur, du peintre et du vivant.
Et tout autre, vivant, dansant, se montrer là, où, on ne sait pas, en
un soi étrange et démesuré, parmi les ruines de tout geste créateur qui échappe
à la poésie du monde quand ce monde rend poète l’échappement.
D’une hauteur de pied à la fin du monde, en russe, équilibre d’une volute
de voix sublime et d’étranges sensations de sens, que le corps reprend, et que
l’on comprend, en toutes langues, précaires.
Et retour à la terre en un temps d’accalmie, se comprendre de ne
l’être de personne, l’un et l’autre se portent, d’inconsistances en
insistances, entre deux mots, entre deux cris, à rendre fou l’autre pour ne
plus l’être soi-même, dans l’angoisse jaillie entre deux esquisses, deux
expressions d’un soi que l’on ne sait pas.
Effacer l’autre en son visage, s’effacer soi même de son propre
visage, et ainsi s’arracher à l’autre, seul et sombre, et nue, rouge et sans
visage, mais sculptée par l’autre encore.
Corps nu, sculpture vivante, recherche du sens au-delà des sens, en
une liberté que l’autre s’interdit encore et porte son œuvre à venir comme un
poids sur le dos, écrasé de lui-même. Que l’un s’essaie à cette liberté, il
échouera, et que l’autre s’essaie à l’œuvre de l’autre, il échouera, car c’est
dans le contact et l’équilibre du poids de chacun à être, que naît l’équilibre en
soi, et dans le corps à corps les plus subtiles pensées et les plus grandes
guerres.
Dans cette solitude s’épuisent toutes les guerres et tous les amours.
Car se mettre nus face au visage de l’autre n’y change rien : la nudité de
soi ne s’adresse qu’à soi-même. Et l’offrande qui est faite n’est qu’une pierre
au creux des reins, et trouve sa place à l’infini, quand le sculpteur devient à
son tour le sculpté dans le silence du poète.
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