Ce soir pour moi la voix est
celle d’un violoncelle, et c’est au son de cordes pincées que j’évoque la voix,
cette énigme de chaque jour qui, au cœur même de la banalité, sait faire vaciller
un corps et frémir un esprit.
Rien n’est plus usuel que la
voix, et rien n’est plus énigmatique, et d’autant plus que nous savons chacun
comme elle fonctionne, physiologiquement, sans que cela enlève à son mystère.
La voix forme bien plus qu’un
simple outil de communication, elle forme la personnalité même de qui elle est
le signe, l’empreinte vocale est tout autant originale et unique que l’empreinte
digitale, la beauté de son immatérialité en sus, elle serait comme l’empreinte
de l’esprit en ce monde.
Son unicité et sa singularité
disant plus, de soi, qu’on ne souhaiterait, et souvent nous trahissent, sont un appel et un rappel du poétique à même le corps.
La voix est créatrice non
seulement d’une identité, mais aussi d’un esprit, l’esprit de soi, et selon la
formule de Montesquieu, de l’esprit des lois qui font un soi.
Certainement que la voix serait
cette illusion portée sur le monde, mais à ainsi la considérer l’on se
réduirait soi-même au silence, et ce ton, ce grain, cette couleur que l’on n’a
pas choisi et qui pourtant nous disent au plus proche de notre intimité même ne
feraient plus sens.
La voix est une sensation pure,
non seulement pour l’auditeur, mais aussi pour soi même, elle est et engendre
mille sensations qui font se reconnaître soi-même et reconnaître l’autre dans
ce qu’il a de plus intime, caché, et qui se montre, immatériel et là cependant, palpable et dense.
Le mode sur lequel l’humain et l’autre
font vibrer le son, est unique certes, mais plus encore il est créateur. Il ne
fait pas qu’externaliser le temps, l’espace, l’intime d’un être, il crée cet
être au fur et à mesure que se donne le discours, le chant, le gazouillis, le
cri, le rire, les larmes, le son et le sens donc.
La manière même de faire résonner
le souffle dans la bouche, non sur le palais, mais entre les dents et la peau,
qui signe la singularité d’une voix unique, et créatrice, et rend ce qui est
ainsi donné dans son originalité même.
Aïsthésique, poétique, le grain
de la voix, sa modulation, les variations du grave à l’aigüe, la tenue de l’un
dans le neutre, tout dévoile le sens donné par chacun à la vie, en un son qui
est aussi un intervalle entre soi et soi, et qui se donne sans distance, mais
que l’on souhaiterait passer sous silence.
Cet espace fait de son, de
matière, est l’espace d’une voix, qui se donne en silence au travers de la
construction d’une pensée diffuse capable de comprendre le monde et de le
rendre, inchangé.
La voix pense le monde en se
pensant elle-même.
ALG
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