Il y a cent ans, nos démocraties étaient fondées sur des idées démocratiques, depuis une cinquantaine d'années, elles sont fondées sur des émotions démocratiques, et depuis deux ans, elles sont fondées sur des pulsions démocratiques liées à la peur et au sentiment d'insécurité qui contraint chacun d'entre nous à faire face à ses propres et personnels traumas, déplacés dans le champ politique, éthique et civique, qui donne lieu à toutes les peurs et tous les délires.
Il y a une trentaine d'années, commençait un glissement que l'on pourrait penser un peu vite autoritaire, et qui était fondé sur une perte du sens des valeurs démocratiques, et qui se manifestait par l'aliénation du sens de la vie par la surconsommation et une économie radicalement libérale qui nous donnaient l'ivresse d'une liberté ressentie mais non avérée, l'aliénation du sens de la société par un mouvement de tout légiférer qui contraignait l'état de droit à devenir, par trop de légifération, une zone non de droit mais de devoir, être, faire, dire, penser, etc., aliénant ainsi le droit fondamental et son esprit. Et dans le même temps un mouvement de dématérialisation du vivre ensemble et la mise en place d'une aliénation de la vie réelle par la vie virtuelle et dématérialisée. Sans oublier le traumatisme majeur de la seconde guerre mondiale que nous n'avons pas encore résilié, tant le choc fut violent.
La crise que nous vivons aujourd'hui signe l'apogée et la fin ou l'effondrement de ce mouvement de glissement vers cet autoritarisme démocratique qui provenait d'une perte du sens de ce qu'est une démocratie dans l'idéal, et qui oblige maintenant nos philosophes à repenser les idées démocratiques qui fondent notre société actuelle: nous ne sommes pas à l'aube d'un effondrement mais en plein au commencement d'une refondation de nos démocraties fondées sur ce que nous sommes aujourd'hui, une démocratie consciente des limites qu'elle doit s'imposer pour demeurer comme démocratie vraie, nous sommes à l'aube d'une idée démocratique plus humaine et plus humaniste, et ce même si cela prend la forme d'une crise sans précédent, une crise qui est aussi l'opportunité de manifester la résilience de l'esprit face à un trauma qui nous affecte depuis 80 ans et nous aliène encore, et qui ne remonte pas à la surface de certaines positions ou revendications politiques par hasard, il peut aujourd'hui commencer à être pensé, dans sa particularité propre et sans commune mesure avec la crise existentielle, voire ontologique que vit l'humanité aujourd'hui.
Ainsi la pulsion démocratique, pour explosive qu'elle soit, nous ramène à un idéal démocratique qui est déjà acté, et ne demeure qu'à être pensé. Cette crise est la manifestation même de la reconstruction après un effondrement qui a déjà eu lieu et qui est passé inaperçu, c'est déjà, en somme, selon ma pensée actuelle, une crise de guérison de la vie civique et politique, du sens donné au vivre ensemble, et de notre idéal démocratique, et du vrai sens de la valeur donnée à la vie.
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