Les textes sacrés signent la volonté humaine de se
saisir d’une forme de sacralité, et de l'alliance qui, en l'humain, se fait
entre lui et sa sensation sacrale propre et intime. Il considère souvent comme
hors et en lui ce sacré qui lui donne sens et valeur, dignité, en son for
intérieur, mais aussi depuis l'extérieur, comme ce mystère du vivant que chacun
peut ressentir, sans jamais y apposer de mots, et qui fonctionne comme un élan,
une impulsion créatrice qui le meut dans le monde.
Cette sacralité est, le plus souvent, représentée sous
la forme de dieux, bien qu'il n'y ait là aucune nécessité, puisqu'elle se
suffit à elle même, l'humain la symbolise cependant toujours, en tant qu'une
altérité radicale, comme ce qui en soi est radicalement autre que soi, mais
aussi sous forme de qualités nommées, et à l'aune de quoi nous nous concevons
nous-mêmes. L’alliance, qui opère dans le texte biblique, grâce à certaines de ces
qualités, et plus précisément dans Genèse
et Exode, s'effectue selon deux
modalités principales et hétérogènes, dont l'une concerne le peuple hébreu et
qui est destinée à n’exister que pour réaliser l'autre. C’est-à-dire, selon une
première modalité, l’existence du peuple hébreu implique l'émergence et la
construction d'une religion, faite de rituels et de temples ainsi que de
prêtres, qui encadre et légifère le vivre ensemble, et le se vivre soi-même,
selon un mode religieux. Cette alliance collective du peuple hébreu est toujours
médiatisée, jamais directe, mais doit le devenir, selon l’exemple de Moïse.
Cette alliance avec le peuple se déploie à travers non seulement la religion, mais
aussi la transmission de la parole du divin par une personne, sans que l’on ne
sache rien de l’irreprésentable immédiatement. En Exode, cette personne, Moïse, en l’occurrence, produit une seconde
modalité d’alliance qui est une alliance particulière et personnelle avec l’irreprésentable.
Cette alliance revêt un caractère essentiel et recherché comme ce qu'a à
devenir chaque membre du peuple hébreu, concrètement. Ainsi, la religion aurait
à laisser place à une alliance individuelle, non pas collective, mais
interpersonnelle et fondée sur la sagesse, et non sur l'échec de l'aspiration à
cette sagesse, symbolisée dans le texte de l'Exode par l'adoration d'un
veau d'or, soit d’un dieu doré, mais non point irreprésentable encore.
La modalité d'alliance entre l’irreprésentable et
Moïse est interpersonnelle et idéale, elle est immédiate et directe ; c’est
celle qui fut concrétisée aussi d'haadam à Joseph, elle est une alliance
personnelle avec un autre, recherche d’alliance renouvelée avec chaque
personnage du texte de la Genèse qui
prend en charge le récit du développement de la méthode à suivre pour qui
voudrait, en se rapprochant de la sorte de la sagesse humaine, s'allier au sacré,
afin d'accroître cette même sagesse, et que chaque personnage contribue à
élaborer et construire au sein de l'humanité, dans ce premier livre. Cette première
alliance n'est pas religieuse, elle est relationnelle, personnelle, et signe
une réelle logique du lien au sacré et au sens du sacré et de l’humanité. Elle
est idéelle, mais non pas inatteignable, car la sagesse existe bel et bien dans
le monde humain, forgée à l'aune de l'inconnaissance,[1]
à travers Moïse lui-même. On peut
l'atteindre pour autant que l'on fasse l'apprentissage de ce qui est requis par
elle comme conditions sine qua non de son apparition, soit : un
chemin consistant à terme à maîtriser tant les processus de rationalisations
que l'élan créateur qui est présent en chaque être humain, afin de produire une
rationalité maîtrisée tant dans sa dimension intellectuelle que spirituelle[2],
mais aussi psychique : la sagesse ne commençant effectivement que lorsque
cette maîtrise est suffisante pour être abandonnée, ce que figure la démarche de
Moïse d’une manière exemplaire pour l’ensemble du peuple hébreu qu’il tente de guider
vers l’élévation spirituel et le déploiement de la spiritualité.
La religion n'apparaît qu'au second livre du texte biblique, lorsque la première alliance se voit commencée, en la personne de Moïse, qui représente cette sagesse réalisée - et cependant toujours en devenir - qui pourra guider le peuple. Cette sagesse n'appartient à aucune terre et ne se rend nulle part, achevée quant à son développement, elle est, par nécessité, ce qui jamais ne se cristallise en rien, sous peine de se perdre comme sagesse, c’est sans doute pourquoi Moïse meurt au seuil de la terre promise, car il poursuit une autre terre promise, qui est Yhwh, réalisé en lui.
Elle est par essence ce qui pour exister doit demeurer
dans le vivant présent du langage créateur mais aussi dans l'abandon à cette inconnaissance
qui nous caractérise et nous fonde, en vue de l'actualisation constante du
référentiel humain à l'aune de ce différentiel que représente le référentiel
divin, ou encore du référentiel irreprésentable selon quoi se mesure la qualité
de cette sagesse. Car sagesse signifie l’usage intelligent et juste de son
propre esprit et compréhension du monde, une sagesse ouverte et abandonnée à
une forme qualitativement autre de connaissance, son autorité étant de faire
croître l'humanité idéale en l'humain, et face à laquelle nous demeurons libres.
C'est au contraire la connaissance des limites de
l'intelligence, de la connaissance, et de leur maîtrise, qui favorise
l'émergence de cette sagesse, qui n'est autre que de se savoir soi-même limité
par le référentiel propre de la conscience ordinaire, et de le vouloir
dépasser, et c’est cette sagesse en devenir que le texte met en exergue, dans
les deux premiers livres de la Torah,
bien en amont du facteur religieux.
La religion pourrait alors apparaître comme l'échec de
cette sagesse à advenir en chacun, comme un pis allé, ou une béquille, mais il apparaît
plus intéressant de la considérer comme un moyen terme qui permettrait aux
membres d'un peuple de trouver là le chemin vers cette sagesse interpersonnelle,
et d'accéder à la première alliance, la seule qui conduise selon ce texte à une
vraie intelligence du monde, et qu'il nomme sagesse.
Contemporaine dans ses aspirations, cette première alliance
influence l'actualité de la connaissance humaine, comme source inépuisable de
pensée et réflexions philosophiques, au regard des sciences humaines en devenir.
Faire valoir la pertinence philosophique d'un texte ancien, sans se référer ni aux
religions dont il est porteur, ni à la réception comme texte purement
littéraire et poétique qui ne peut, en un autre mode, être abordé que par le
biais étroit de la rhétorique, laquelle éloigne de toute forme d'arrière pensée
philosophique, qui forme le poétique à l'œuvre au cœur de la parole donnée, ni
encore, comme texte d'inspiration divine, sacré, intouchable, et surtout
inanalysable d'un point de vue philosophique, faire valoir au contraire cette
pertinence est ce qui actuellement a rendu possible l’approche philosophique du
texte, une approche qui rend compte du caractère philosophique de cette pensée ancienne.
Cette forme de réception du texte n’occulte pas la charge théorique que le
texte porte, de fait, en lui, en termes de théories de la connaissance, et qui
ont influencé, voire souvent motivé la pensée occidentale.
La philosophie, comme toute science, est fondée en nature
sur un acte de foi faisant loi, un acte de foi envers notre rationalité, notre
objectivité, notre intelligence du monde, ainsi que notre capacité non
seulement à connaître mais aussi à conceptualiser le donné. Il nous faut donc penser
le référentiel humain, conceptualiser et décrire notre manière de
conceptualiser, puisque c’est cela qui fait pour nous force de loi. Penser le
cadre affectif, sensible, conceptuel, qui nous amène à penser le réel de telle
manière et non de telle autre, est essentiel, si nous voulons évaluer
l'exactitude et la valeur de validité de nos propositions théoriques. Le
référentiel humain est d'une part relatif aux capacités, sensibilités et
facultés humaines, et d'autre part limité par son appartenance à ce qui doit
être pensé, mais dont il est lui même le producteur. En d'autres termes,
l'humain a à penser le référentiel qui le rend capable de penser mais hors duquel
il ne pourrait penser.
C’est ce que propose le texte, sous une forme
poétique, c’est-à-dire créatrice,[3]
ce qui n'a rien d'anodin, mais qui est la forme même de la méthode
d'investigation des auteurs de ce texte, pour autant qu'on puisse en juger,
c'est en même temps une théorie sur ce référentiel, qui tente de le penser, et
une théorie sur un référentiel radicalement autre, non humain, pris en charge
par le personnage « Dieu », qui n’est pas nécessairement
irreprésentable en tout, et dont la vocation multiple marque les limites du
référentiel humain, et, ce faisant, fournit un système de valeur, non
renseigné, ou renseigné d'une manière uniquement négative, afin de rendre
l'humain capable de percevoir son référentiel propre, par contraste, et d'en
définir la valeur, et réelle, et relative, par une capacité à ainsi s’abstraire
de ce même référentiel, du moins en théorie, ce que tente la phénoménologie
dans son fondement. Le texte forme une expérience de pensée collective, qui
concerne la connaissance et l’action. Percevoir, conceptualiser, évaluer, le
référentiel dans lequel nous pensons est une question que pose le texte sous
l’ébauche d’une théorie de la connaissance que les commentaires ultérieurs
viendront mettre en valeur.
Ceci étant, le référentiel biblique, comme tout autre
que nous pourrions imaginer, est de plein pied contenu dans le référentiel
humain, il y appartient donc de plein droit. Face à ce référentiel humain, le
référentiel divin apparait comme son envers, son négatif, son vide de sens, son
retrait et signe la relativité de toute forme de référentiel que nous pourrions
concevoir, relativité due au nécessaire écart qu'il pourrait y avoir entre
l'humain et son autre.
Le personnage « Dieu », ici, est celui qui
déconstruit en théorie la fabrique humaine du réel, en montre les rouages,
comme une démonstration de la création relativement humaine du monde, car
percevoir le réel, ou le nommer, c'est déjà le créer, l'interpréter, et lui
donner la forme d’une réalité. Le personnage « Dieu » renvoie alors au
concept (ou à la personne), par lequel nous envisageons ici toute forme de
compréhension du réel qui serait autre qu'humaine, une interprétation autre,
une créativité autre, une pensée autre, soit un différentiel irreprésentable.
Faire de ce personnage le créateur du mode humain d'être au monde, du
référentiel humain, ce n'est peut-être pas dire autre chose que ce que nous
sommes nous vient de l'autre, quel qu'il soit, en quelques circonstances qu'il
s'agisse, de l'humain singulier à l'humanité, de l'individu à la collectivité.
Ferdinand Gonseth définissait le référentiel[4] comme la condition d'apparition de l'interprétation de la réalité, dans sa relation avec un certain type de vérité, et comme le jeu entre l'intuition sensible, les expériences expérimentées, et la théorisation conceptuelle qui pouvait en être abstraite. La vérité, ici, devant être entendue tout d'abord comme facteur de validité et conformité de la relation tripartite entre le réel, les réalités, et l'observateur. Les réalités ainsi créées le sont à partir de la grille de lecture de ce vrai concerné, et de son résultat interprété,[5] soit une vérité humaine.
Ce sont trois formes complexes que le réel, les
réalités, et l’observateur, et cette complexité même doit être prise en compte
dans la mesure que nous faisons de notre propre référentiel. Il y a pour une
seule chose réelle, autant de réalités qu'il y a d'observateurs, tandis qu'il
n'y a qu'une chose réelle, dont la réalité, plurivoque, sera fonction de ses
interactions au réel ou avec l’autre, et en tous cas son observateur. Cela
suppose une intrication de ces trois formes complexes qui mettent en jeu non
seulement nos théories, mais aussi notre capacité physiologique à penser et sa
manière de se déployer, qui n’est pas exclue du réel.
Toute l'entreprise humaine vise, dans cette multiplicité
des réalités, à se rapprocher du réel en propre, et à réduire le multiple à un
nombre restreint de structures typiques et communes à tous les observateurs,
afin de se saisir au maximum de la réalité en propre de la chose réelle, mais
pour autant, une question se pose : qu'est ce qui peut garantir à cette
réduction de toucher à la réalité propre d'une chose que notre regard altère
par nécessité ?
C'est un paradoxe lié aux phénomènes au regard de notre
référentiel, qui veut en même temps que, quelque soit notre accès à la chose,
il est toujours médiatisé par un référentiel, mais cette médiatisation est
aussi l'unique voie que nous ayons pour accéder à la chose dans une réalité qui
ne lui est pas propre, mais qui est simplement la seule que nous puissions
saisir, et conceptualiser : ce que la chose est pour l'humain. Accéder aux
choses mêmes, serait alors une gageure, et une gageure productive, féconde, un
horizon, qui inaugure et motive toutes nos expérimentations ou expériences de
pensées rigoureuses.
Il est impossible de faire l'épochè de toutes choses,
et de toutes pensées, en acte, car il est à proprement parler impossible de
faire l'épochè de la manière même dont l'être humain pense, de la manière dont
fonctionne la pensée, et la perception, selon ses capacités physiologiques propres
mais aussi selon son esprit, dont nous ignorons la part la plus majeure, et
tout ceci car ce que l’on n’entend pas on le voit, ce que l’on ne voit pas on
le sent, ce que l’on ne sent pas on le goûte, ce que l’on ne goûte pas on
l’intuit ou l’abstrait.
Alors, et comme le stipulait Ferdinand Gonseth, il
peut y avoir différents types de référentiels : ouverts, fermés, partiels,
globaux, conceptuels, ou absolus, selon le domaine concerné, mais cependant et
à chaque fois, tous ces référentiels restent relatifs aux domaines de la
connaissance auxquels ils appartiennent, soit comme contenus de ces domaines,
visant à cadrer l'expérimentation, soit comme contour de ces domaines, dans
lesquels ces domaines de la connaissance peuvent développer leur contenus
propres. Cependant, ils sont néanmoins toujours subsumés au référentiel humain
qui permet la connaissance humaine, et que la connaissance humaine permet en
retour, c'est-à-dire à un référentiel lui-même relatif, qui contient en lui
tous les référentiels imaginables par l'être humain lui-même, lorsqu'il
s'attache à accroître sa connaissance du monde.
La certitude que donne à l'humain ce référentiel
initial n'est pas la vérité des contenus de connaissance, mais celle plus
humble de la rectitude de ces connaissances relativement à l'humain qui les
produit. En d'autres termes, la vérité, dans le référentiel humain, est ce qui
est juste et vrai pour l'humanité elle-même, elle n'est ni absolue, ni
universelle, quand bien même elle s'attacherait à se saisir d'un référentiel
autre, absolument, comme cela apparaît souvent en philosophie.
S'extraire de ce référentiel exigerait de s’extraire
de notre capacité physiologique à penser, mais nous sommes aussi capables
d’envisager, dans certaines limites, un référentiel, autre, hétérogène, comme bordure,
et comme fondement, pour voir ce qui en résulte, c'est l'expérience de pensée à
la limite que tente le texte, et la proposition théorique qu'il met en place en
créant ce référentiel autre qui dès l'origine est conçu comme contenant le
nôtre. Il a pour fonction de guider l'esprit en quête de la compréhension de
son référentiel propre, faisant du texte le livre d'un apprentissage du
caractère limité et relatif de notre compréhension du monde, à l'aune d'un autre
référentiel qui ne se définit que par ses « réactions » qui dessinent
le lieu d'où il se place pour penser, c’est-à-dire de notre capacité à saisir
sa pensée.
L'humain ne sachant rien de ce référentiel
irreprésentable, il le pense sans contenu, dans l'ordre d'une absence absolue
de déterminations, de définitions, ou de représentations de ce que ce référentiel
pourrait être, et à quoi nous ne saurions accéder. Il est, et demeure comme
mystère, et inconnaissance signifiant le sacré, et le fondement de ce à quoi
l'humain se réfère lui-même. Ce référentiel demeure irreprésentable, au-delà de
toutes les représentations que nous forgeons de lui, par ailleurs.
Penser ce référentiel, tout autre, c'est forger en soi
la conscience d’un terreau agnoïologique, que Shrödinger nommait inconnaissance, et qui demeure en l’état
ce que d’autres traditions nomment la connaissance transcendante, que la
conscience ordinaire ne possède pas, mais sur laquelle va venir se fonder toute
notre connaissance, et par laquelle cette connaissance même va se déployer
comme telle, tout en demeurant inapte à « fonder [ses] propre fondements ».[6]
Le texte propose une démarche de ce type, qui se niche au creux d'un poème empreint
de poésie, comme l'aveu de l'impossibilité pour l'humain de nommer autrement
que poétiquement ce qui relève de l’incompréhensibilité du monde et de Dieu :
la suggestion poétique est réellement ce langage créateur qui contient tout et
qui vient nommer l'autre au cœur du référentiel humain, comme ce que structurellement
nous ne pouvons saisir conceptuellement, sauf à avoir acquis la sagesse
mosaïque. Et ceci, la sagesse donc de savoir suggérer ce qui ne peut être
nommément conceptualisé, est une sagesse qui existe et perdure depuis ce jour
où l'humanité s’est saisie elle-même en son caractère insaisissable, ce qui la
conduisît à se poser, à force de stupeur et de vide de sens,[7]
la question de son être même, et de l'être de son milieu propre.
Le texte biblique propose deux référentiels. Le
premier est l’autre, un référentiel qui se montre dans le texte comme hors-texte,
hors-langage, et hors-histoire, hors-le-même, et n'appartient qu'à une seule
personne, Yhwh. Le second, à l'aune de l'histoire/langage, d'haadam à
Moïse, fonde un idéal humaniste, qui se prolonge dans la relation de Dieu avec
le peuple. D’haadam à Moïse, le sage
serait celui qui serait capable de se poser face au référentiel irreprésentable
dans un vrai dialogue, de répondre de soi, et de répondre à l’autre, de la
manière la plus juste possible, en une logique du lien avec cet autre sans
contenu, cette altérité pure, accueillie comme telle, et à laquelle on
s'abandonnerait, non seulement parce que l’irreprésentable est un fondement,
mais aussi parce que, dans notre incapacité à fonder notre connaissance, il serait
d’une manière symbolique le référentiel qui représenterait un fondement pour le
nôtre.
La sagesse de Moïse consiste ici en une qualité d'être
et d'agir éthique, connaissante, intuitive et rationnelle, et tout en même
temps libérée de tout ceci, au-delà de la rationalité forgée dans la Genèse, comme le résultat produit par la
rationalisation d'un élan créateur et de la subsomption des processus de
rationalisations à cette intuition poétique créatrice qui se nourrit de
langage, et qui en serait aussi la résultante même, afin de garantir que la
rationalité reste vivante, c'est-à-dire opérante, efficace, plurivoque, et
adaptée à sa fonction processuelle.
Le référentiel biblique, descriptif, vient nommer le
fait que la sagesse est un potentiel réalisable dans ce monde, hors même toute
forme de religion. Sagesse qui procède d'une forme d'humilité devant le
caractère relatif du tout. L'une parole de l'Exode qui, des dix paroles
viennent fonder l'entrée à venir dans le lien religieux de l'alliance du peuple
à Dieu, définit cette sagesse par le constat simple que ce qui ne peut
radicalement être connu ne peut être nommé, car nommer c'est déjà interpréter,
c'est déjà altérer l'autre, autre qui cependant demande paradoxalement à être
nommé en son ainsité.
Le référentiel biblique est donc tout à la fois conçu
comme une explicitation de la méthode visant à générer rationalité et sagesse
en l'humain, et une source d'inspiration à vocation de modélisation du
référentiel humain, et du référentiel autre qui lui donne son sens et sa
valeur. Il s'agit bien, dans le premier cas, d'une méthode, car quelque soit
l'histoire des personnages, des langages[8],
ou du hors-texte, ce qui est montré est le chemin à suivre afin d'aboutir à
cette forme de sagesse, en développant puis en abandonnant la maîtrise de la
rationalité et de la spiritualité, cependant, ce chemin est multiple, comme un
potentiel à exploiter tant individuellement que collectivement, chemin qui
forme la prémisse de la méthodologie hébraïque en voie d'élaboration, et qui
ouvre à une scientificité, qui, si elle est ancienne, n'en est pas moins encore
valide, actuellement, en philosophie, par l'élaboration de concepts qui signent,
au XXième siècle, une « nouvelle » manière de penser, et
en psychanalyse, par la conceptualisation de concepts fondamentaux qui existent
sous une forme définie dans le texte au préalable.
Là, le référentiel autre pensé comme radicalement
autre joue comme une distance nécessaire entre notre penser et le cadre dans et
par lequel il se fait, comme une tentative de créer le moins d'altération
possible.
Ces changements sont ceux de l'intellect qui se forme à la sagesse, de l'humanité qui déploie son devenir collectif, mais aussi du psychisme singulier qui se développe et pour lequel le texte propose une modélisation de la structure et de la construction. Le modèle du psychisme biblique est quadripartite et il est soutenu à sa base par ‘‘quatre’’ personnages principiels : HaAdam, Lilith,[9] ha-icha[10] et ‘Hawa[11] et deux personnages consécutifs mais essentiels, Qayin et Hevel qui viennent développer le personnage principal de ‘Hawa. Ce modèle évolue ensuite jusqu’à la maîtrise de Joseph et s'achève en son sommet par l’abandon de cette maîtrise par Moïse face à la sagesse, et à Dieu, après avoir mûri par tous les expériences essentielles du récit. Et si Freud s’est inspiré de ce texte, pour fonder les concepts majeurs de la psychanalyse, ce n’est pas un hasard.[12]
Le modèle quadripartite du texte biblique se fonde sur
deux choses bien distinctes, d'une part un socle conceptuel qui sert de
fondement et de fondation à la structuration du psychisme, et d'autre part la
structuration elle-même, portée par les personnages, qui prend forme dans le
double visage, d’abord Ha-icha, puis
‘Hawa, laquelle se dote de Hevel et Qayin, qui sont des expressions symboliques
mais concrètement incarnées de ses propres capacités, et qui sont acquises de
par la dégustation éphémère d'un fruit désirable et bon pour l'intelligence, ce
qui fonctionne comme la première expérience philosophique et scientifique de
l’humanité dans le texte.
Il semble qu'à l'origine, dans les parties les plus
anciennes du texte, l'on puisse émettre l'hypothèse que ce qui voulait être
étudié ait été l'humanité dans son ensemble, femmes et hommes, comme cités en Genèse 1.27, et leurs structures psychiques différentes, ou leurs
traits communs, humains, mais cette volonté première a disparu assez rapidement
dans la construction du texte, lorsque est apparue la nécessité de faire jouer
une autre femme, ha-icha, soit en français : « la
femme », ce qui implique l'absence de tout nom préalable, et donc
l’absence de définition d'une personnalité, ou d'une essence définie. Ce qui
signifie que d’après le texte même, on ne sait rien de la toute première femme,
hormis ce qu’en a interprété la tradition postérieure, et le destin qu’elle lui
a donné.
Le récit montre que toute pensée de la féminité ne
peut être symétrique, ce que représente le modèle tardif de Lilith, car cela
suppose certes un chemin différent, mais un socle conceptuel identique à celui
du masculin. Si humanité il y a, elle ne peut être conçue ni d’après un socle
conceptuel complètement identique, ni d’après le chemin pris par un psychisme masculin,
au cours de son développement. L’humanité commune est ailleurs, d’où la
défaillance de ce référent symétrique, que représente Lilith.
Mais le récit qui concerne Ha-Icha montre aussi
que ce que celle-ci représente un chemin complétant et complémentant celui de
l'homme, selon un socle conceptuel de même entièrement identique n'est pas
envisageable non plus, sauf à penser que Ha
Icha soit la part féminine interne à haadam.
L’homme et la femme différent en quelque manière, et le texte propose de
fonder, grâce à l’intervention de ‘Hawa, un socle conceptuel qui leur convienne
individuellement, et qui soit différent, dans la part où ils différent et
commun, dans la part où ils sont humains. Puisque lorsque Ha-Icha
devient ‘Hawa, elle cesse de devenir la complémentation de l’HaAdam, pour devenir son initiatrice.
Ainsi, selon ce texte très ancien, les genres sexuels, dans le genre humain, ni
ne se complémentent, ni ne sont symétriquement opposables. On pourrait dire que
la féminité n’est pas abordée comme telle, puisque ce qui est étudié, dans le
texte de la Genèse, est la
constitution de la part féminine d’Adam, à l’aune de laquelle sa part masculine
va se développer et mûrir. Mais ce serait compter sans penser que le féminin
renvoie à la féminité, et donc à une pensée élaborée par le texte de cette
féminité.
La consommation du fruit permet au texte de donner un
nom, ‘Hawa, à Ha-Icha, soit une
définition, une essence, qui n'est autre que le devenir vivant, ou la vie comme avènement du vivant, et de la
raison, devenue raison vivante.[13]
En elle, cette acquisition produit la liberté, liberté à être et à concevoir,
biologiquement et conceptuellement de la pensée et du vivant. Là, HaAdam
n'acquière pas de nom singulier, il reste le représentant anonyme du genre
masculin de l'humanité : l’homme.
‘Hawa représente le libre arbitre que Yhwh avait pensé
pour HaAdam[14],
elle se libère, et elle se crée, pour elle-même, sa propre destinée, que
viendront incarner ses deux fils premiers nés : l'acquisition de la
connaissance rationnelle, représentée par Qayin et le souffle poétique et éphémère
de la vie, représenté par Hevel. Le vivant est moins pérenne que la
connaissance qui lui survit toujours, mais la vie est plus pérenne que la
connaissance, et l'une comme l'autre ne sont le fait de rien d'autre que de la
transmission et de l'accueil de l'autre en soi, quelque soit cet autre. La
gestation biologique, conceptuelle, et spirituelle, que met en œuvre ‘Hawa dans
l'ordre de la féminité est bien la capacité créer de la matière vivante et pensante.
Ce qui implique incidemment que ces deux enfants, Qayin
et Hevel, n'ont pas de valeur intrinsèque, comme tout enfant réel l'aurait, tandis
qu’ils sont ainsi conçus comme un moyen dans le récit pour développer ce que
représente ‘Hawa, et non, comme Seth, un fils idéal et réel, qui sera non un
moyen, mais une fin en soi. Seth permettra à HaAdam de devenir Adam, un homme
doté d’un nom, d’une essence propre, apte à se réaliser lui-même, en Genèse 4.25, comme un être singulier, lorsqu’il donne naissance à
un enfant selon son image et à sa ressemblance. Ce qui caractérise ‘Hawa est sa
capacité à se déterminer elle-même, et à choisir, de manière autonome, ce
qu’elle transmet à la descendance d’Adam.
Émerge alors dans le texte la manière la plus simple
pour l'homme de concevoir son autre, en tant qu'autre, le féminin comme liberté
à être ce qu'il est, libre arbitre, raison, vie, autodétermination, bref, un
féminin qui est libre de toutes les contraintes posées par les modèles
précédents et se donne sa propre autonomie dans la construction de soi, et c’est
ce qu’elle transmet à Adam.
Ceci, dans le texte, qui représente une modélisation
du psychisme masculin, revient pour l'homme à penser dans sa part féminine
toutes les déterminations qui le fondent, en intégrant et assimilant l'altérité
radicale que représente la féminité, et à se l'approprier, comme puissance d'un
certain modèle de création, que l'on trouve en l'autre et qui nous forge,
jusqu'à la disparition complète du féminin dans une totalité masculine conçue
comme identité pleine et entière, et que représente Joseph, où le féminin est
entièrement bâti en soi. Ainsi, Joseph et à sa suite, plus encore, Moïse, n'ont
pas de pendant féminin, Joseph a une épouse, mais cette femme n'apparaît
presque pas, elle n’est donc pas conçue comme essentielle au récit de la
construction de la rationalité, de l'humanité, du psychisme et de la
spiritualité de l'homme, les femmes n’évoquent plus la part féminine de ces
personnages masculins Maître et Sage.
Si, au commencement, la volonté était peut-être de
décrire les deux modèles, féminin et masculin, il faut avouer que le modèle
féminin est donné d’emblée, dans ce texte, parce qu’il est libre, entièrement
réalisé quant à son masculin, et pensé comme un modèle pour le masculin et dans
ce qu'il apporte au masculin au cours de sa construction propre, pensé alors comme
une part de lui-même : le femme est une initiatrice. La description qui
est faite, dans la suite du texte, du psychisme est alors bien celle d'un seul
psychisme, celui de l'homme, doté a priori d’un aspect féminin qui
évolue, puis à chaque personnage, de leurs alter ego féminins correspondant, qui sont souvent considérées par la
métaphysique hébraïque comme non pas des manifestations du psychisme ou de
l’intellect de l’homme, mais comme des manifestations du divin, soit donc, des
manifestations de ce divin qui croît en l’homme et de la relation que l’homme
entretient avec le divin en lui, à travers le féminin.
Les femmes que sont Sarah, Rebecca, et Rachel ne sont
pas directement issues de la figure de ‘Hawa, elles représentent toutes la
manifestation de la présence divine ou de la sagesse dans le monde, mais elles
ne sont pas structurées selon le couple vie-raison. Ceci étant, la sagesse
qu’elles représentent est-elle peut-être la destinée de la structure des
femmes, telle que la conçoit le texte. Ce qui demeure certain, c'est que de
Freud,[15]
qui a théorisé le davar comme
transport, c’est-à-dire transfert, et da’ât,
la connaissance, comme le complexe d’Œdipe, mais aussi la femme Ha-Icha, etc., à Antoinette Fouque,[16]
qui a théorisé ‘Hawa, en passant par Lacan,[17]
qui a théorisé le davar dans son
caractère créateur, signifiant, et parlêtre, tous, selon leurs propres
questions personnelles, ont fait appel à ce type de théorisation qu’emprunte
aussi le modèle biblique, et peut-être, ou sans doute, s’y réfèrent, fut-ce d'une
manière inconsciente.
Ce qui demeure, aussi, certain, c’est que ces modèles
ont été pensés par la tradition hébraïque qui les a théorisés,
conceptuellement, depuis bien longtemps, non dans des mots-concepts, mais dans
des noms-concepts : ‘Hawa, Adam, Qayin, Hevel, Sarah, Noé, Abraham, Jacob,
Rachel, Rebecca, Isaac, Joseph, Myriam, Moïse, autant de noms-concepts qui
définissent autant de modes de penser et de percevoir le monde, comme des
étapes ou des seuils de l’élaboration de la sagesse chez l’humain.
Le socle conceptuel qui soutient le psychisme biblique
a très largement inspiré Freud, c'est un fait bien connu. Ce que l'on sait aussi,
c'est que Freud a puisé dans la tradition hébraïque, et dans ce texte, des
concepts majeurs de la psychanalyse, le transfert en est un, sous la forme du transport,
comme lien et relation entre les mots et les choses, mais aussi comme passage,
transmission, se transporter d'un lieu, mot, chose, à un autre, contenu dans le
davar qui est ce concept qui nomme en même temps du mot et de la chose. Le
transport est devenu le transfert, un événement qui n'est qu'un transport de
choses entre deux êtres auxquels les mots viennent donner sens. Le transport,
dans le texte biblique, à travers le davar, est la substance même de
l'interprétation du texte, et de ses personnages.
Freud ne dit pas autre chose du transfert, et du
contre-transfert - ce qui est nommé contre-transfert n'est rien d’autre qu'un
autre type de transfert - lorsqu'il les définira comme la parole de la chose
psychique, son temps, qu’il considère atemporel, son mouvement, ses
changements, ses altérations, par la relation à cet autre idéalement autre
qu'est l'analyste pour l’analysant, et l’analysant pour l’analyste, parole dont
la plasticité forme le changement de la réalité, ou de la fiction personnelle,
et de l’économie psychique de l’analysant.
L'analyste, en tant qu'autre et référent agit donc
comme un référentiel autre qui ne diffère en rien du référentiel que propose le
texte biblique, dans sa fonction, et dans son absence de contenu autre que celui
d’autreté radicale supposée effective.
Le référentiel idéal que symbolise l’analyste au
regard de l’analysant donne dans l’absolu à l'analysant le cadre et les moyens
de se percevoir lui-même, grâce à l’écoute de l’autre qui symbolise alors simplement
ce qui le borde, le limite, lui montre ses contours et structures psychiques,
ce qui permettra à l'analysant de s'observer comme un autre, ou comme tout
autre que la fiction de soi forgée sur soi au préalable.
Cette référence à un autre radical, construit et
hypothétique, est donc le nerf de l'analyse, comme une matrice vierge de tout
contenu, que l’analyste n’est jamais réellement, mais seulement en tant
qu’hypothèse de travail. Mais cependant Freud était attaché, et ses textes le
montre bien, à la fonction de l'analyste comme autre radical, neutre,
bienveillant, absent, c'est-à-dire comme un référentiel théorique.
On pourrait multiplier les exemples en parlant du davar,
dans son usage créateur du langage et du réel que la langue hébraïque, très
conceptuelle, connaît et utilise à fins de commentaires des textes sacrés issus
de la Torah, et dont il est le motif essentiel. Langage créateur qui produit
du sens et que Lacan théorise en introduisant le signifiant en psychanalyse, et
en montrant la validité en toute langue de ce langage créateur, qui renvoie au
parlêtre, ce que la poésie sait par essence.
Ce qui est certain c'est que ce socle conceptuel riche
et fécond est aussi ce qui vient procéder à la formation philosophique de
l'esprit afin de créer des penseurs et analystes de la trempe de Joseph, auquel
se référait d’ailleurs Freud lui-même, et qui nourrit encore la réflexion psychanalytique
actuelle.
La formation philosophique, éthique, spirituelle de l'esprit, prend corps, dans les livres I et II de la Torah, par le récit du développement lent, à travers l'histoire littérale, le récit du langage, et la présence d’un hors texte - qui est le référentiel irreprésentable lui-même - d'un seul esprit, l'esprit d’un seul humain, via l'ensemble des personnages qui pourraient encore être le même, à différents stades de son évolution, de sa maturité : qualités psychiques, états intellectuels, qualités éthiques, processus de rationalisation, et processus spirituels, comme si tous n'en représentaient qu'une part, comme le confirme d’ailleurs la tradition du commentaire.
Il n'y a pas au sens strict de théorie de la construction
de la rationalité, du psychisme et de l’esprit humain, mais bien plutôt il y a
la pensée de ces trois catégories comme construction. Il y a aussi la volonté
de représenter tous les stades de cette construction, tels qu'ils peuvent être
perçus à la lecture du texte. On voit ainsi un parcours de HaAdam, l’humanité originelle, issue de la terre, à ‘Hawa, la
première philosophe, qui fait la première expérience scientifique de l'humanité
en dégustant le fruit, pour aboutir à Moïse d’une part, le sage que le texte ne
nomme pas explicitement comme prophète, mais qui vient bien amener sur la scène
humaine une révélation, celle de la sagesse de Yhwh, et à Myriam, d’autre part,
image fugace de la prophétesse, en Exode, qui est musicienne et
danseuse, et dont la sagesse consiste en l’incarnation d’une pensée par la
danse et la musique, dont on pourrait dire qu’elle prend la mesure des
processus conceptuels qui viennent définir tant l'espace que le temps et le
rythme dans la pratique de ces arts, ce qui met donc en jeu cette connaissance
incarnée que la tradition biblique symbolise par ‘Hawa.
La sagesse est le motif essentiel du texte, elle est conçue comme la chose la plus
essentielle et la plus nécessaire que l'humanité doive atteindre. L’engagement
vers le philosophique et vers la psychanalyse, sous la forme du questionnement
et de l’interprétation des rêves, que l’on trouve dans la figure de Joseph,
sont des voies pour atteindre cette sagesse. Ils doivent être parfaitement
maîtrisés, comme le fait Joseph, puis, comme Moïse l’agit, abandonnées, afin de
se donner soi-même à la sagesse de Yhwh, - soit à la conscience des limites de
notre intelligence du monde - mais cet abandon ne signifie pas autre chose
qu’un usage harmonieux de ces disciplines pour une visée plus élevée, dans le
texte.
La forme la plus parfaite de la sagesse est donnée
dans le texte comme une harmonieuse relation entre processus intuitifs et
processus rationnels, entre logique créatrice et logique rationnelle, entre
élan créateur et élan observateur, une voie médiane par laquelle et sans excès
la sagesse exprime poétiquement l'ordre du monde et la logique du sens, du
lien, et du sacré, que ni le poétique, ni le rationnel, ne peuvent atteindre seuls
réellement et complètement, même si chacun est susceptible de s'en approcher au
plus près.
Tout le propos de la Torah, lorsqu'elle montre l'importance méthodologique de la sagesse
dans la formation de l'esprit, n'est pas de minimiser la maîtrise que
représente Joseph, qu'elle tient visiblement pour essentielle, sur le chemin de
la formation de l'esprit. Le texte biblique est un texte qui demande de ne pas
croire, mais d'expérimenter, et de savoir, y compris les limites du savoir
humain. Dans cette tradition, rien n'est le fait d'une croyance, et tout est le
fait d'une confiance, ce qui revient à vérifier par soi-même et par
l’expérience, mais aussi à définir d’une certaine manière la sagesse comme une
confiance, en autres choses.
La philosophie et l'analyse représentent le stade de
la maîtrise de la rationalité, comme le résultat de la relation entre un élan
créateur et les processus de rationalisations de l'imaginaire et du langage
créateur, et donc, du poétique. Cette maîtrise conduit à la sagesse, mais à une
sagesse qui ne s'acquiert qu'en abandonnant toute maîtrise, et cet abandon,
comme le montre l'histoire de Moïse, ne va pas sans revivre ce qui est à
abandonner, chaque humain doit refaire lui-même le chemin, chaque psychisme,
chaque esprit, doit se remémorer, et s’approprier par l’expérience et l’apprentissage
toute la maîtrise qui doit être
abandonnée dans le devenir-sage.
Dans le texte, il s'agit d'élaborer, à l'aune d'un
langage poétique, une réelle compréhension du réel et de ses réalités, et cela
revient à poser comme méthode le questionnement lui-même, qui s'élabore dans
tout le récit de la Genèse, d'abord comme acquisition de la question,
comme telle, puis élaboration du questionnement lui-même, guidés en cela par la
personne de Yhwh, et engager une réelle démarche philosophique sur des questions
telles que l'autre, l'être, le langage, l'acquisition, le poétique, la vie,
etc. Le récit, l’usage de la langue, la personne de Yhwh, sont des méthodes
pour y parvenir, non des moyens, mais des chemins. Ceci dans l’idée de la
lignée d’Adam, car ‘Hawa ne suit pas ce raisonnement, et parvient aux mêmes
fins sans presque de questionnement, mais par l’expérimentation pure.
Le texte ne présuppose pas la séparation radicale du
poétique et du philosophique, comme les grecs ont été amenés à la mettre en œuvre
à partir de Platon mais plus sûrement d’Aristote. Le texte biblique distingue
l'élan créateur de l'élan rationnel mais il montre que ces deux élans, loin
d'être incompatibles, sont au contraire en étroite corrélation dans le
fonctionnement de l'intelligence humaine, ils ne sont pas opposables. Le texte
montre que dans l'usage du langage, la connexion intime du rationnel qui ne se
construit comme tel qu'à se distinguer du poétique, et la capacité du poétique de
revivifier la raison sont ce qui permet à l'humain d'atteindre une forme de
rationalité, conçue comme un jeu de relations entre discernement et création.
La rationalité est donnée par le texte très tôt, à
travers ‘Hawa, et l'histoire de ses deux fils Qayin et Hevel. Lorsque Ha-Icha
goûte au fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, elle le fait
par curiosité, et par désir de connaissance, ce qui montre bien que quelque
chose manquait bien à l'humanité pour faire sens : la connaissance, une
pensée qui ne soit plus préréflexive, mais réflexive et intentionnelle, capable
de se penser soi-même.
Le libre arbitre d'Ha-Icha lui est donné dans
le temps même qui lui permet de faire l'expérience de cette connaissance
concrète, ce qui réalise son essence et fait d'elle ‘Hawa, la raison vivante,
et la vie raisonnante, en une forme de liberté individualisante ; et dans
la mesure où HaAdam ne se singularise qu'avec la naissance de son
troisième fils, qui lui appartient en propre, Qayin et Hevel sont les enfants
de ‘Hawa et d'une masculinité encore indifférenciée, ils ne sont pas considérés
par de nombreux commentateurs comme les fils d'Adam, en un sens réel, mais
plutôt comme une formulation allégorique de ce que représente ‘Hawa, selon
Isaac Abravanel.[18]
‘Hawa est celle par qui l'humanité émerge de l'ignorance
et de l'occultation de sa propre nature humaine, en une forme de prise de
conscience, et cette mise en lumière de l'humanité fait de ‘Hawa un personnage
qui est sans pourquoi, mais qui suscite la question pourquoi, à terme.
La philosophie mise en œuvre par ‘Hawa elle-même est
« sans pourquoi », et sans question sur la nature du réel, son
questionnement ne vient qu'avec Qayin, et apparaît dans la première question du
texte dite par un humain, elle porte sur l'identité, la subjectivité, la prise
en garde, l'éthique, et nécessairement l'autre, soit sur la question du de
l’être. Mais ‘Hawa elle-même, si elle représente une méthode légitime en
philosophie, sans aucun questionnement, a priori, elle est aussi la
condition sine qua non de l'apparition de toute forme de question par
cette expérience inaugurale qui est une expérience de pensée incarnée.
Cette expérimentation du fruit prend la forme d'un
accueil, d'une hospitalité envers ce qui est, et ce qui est autre, et bien
avant l’étonnement, c’est cette capacité d’accueil qui fonde le geste inaugural
de la philosophie ; et c'est cet accueil aussi qui rend possible la
gestation en conscience, accueil, qui est toujours éphémère, de l'autre en soi,
qu'il s'agisse du corps hospitalier ou de la pensée. ‘Hawa se réalise en
produisant de la matière vivante et pensante qui viendra incarner ce qu'elle
sait désormais : que la vie est éphémère et sa beauté créatrice, (Hevel) et
que l'expérience poétique et l’expérimentation rationnelle fabriquent, produisent
et créent du réel, (Qayin).
En Hevel, dont le nom définit le caractère poétique,
éphémère, comme un souffle de vie vouée à sa propre disparition, dès la
conception, est destiné dès l'origine à être assimilé par l'autre et acquis, [19]
comme science et expérience. L’impermanence est une acquisition impermanente.
Hevel est un événement poétique que son frère
assimile, expérimente, à fin d'acquérir l'expérience du poétique, de
l'éphémère, ce que le nom de Qayin contient déjà et aussi, mais qui était jusqu’ici
occulté par l’existence de Hevel et par l'acquisition que le mot qanithi
définit - et auquel le nom Qayin renvoie - comme l'acquisition de la
connaissance que toute acquisition et que toute connaissance, toute expérience
poétique et toute vie sont éphémères, et se doivent d'être renouvelées, revivifiées,
si elles ne veulent disparaître de manière définitive, sans transmission.
Devenir philosophe, pour Qayin, c'est consentir à
perdre en soi la part non éphémère, de perdre le poids de l'acquis pour en découvrir
la force ; c'est rendre l'acquis éphémère, comme un abandon à
l'acquisition elle-même, qui n'est jamais matérielle, mais toujours
intellectuelle, et spirituelle, et à la perte de l'évidence de l'événement
poétique de la vie, mais surtout, acquérir le sens de la fragilité éphémère de
toute pensée, de toute théorie, de toute réflexion, de toute expérimentation,
et donc de la philosophie elle même qui ne se nourrit que de tout cela. Qayin
acquiert, par l'assimilation de l'événement poétique Hevel, l'absence d'acquisition
de l'acquis et la renaissance du sens par le souffle poétique et créateur de la
vie se faisant. Ces deux fils de l'humanité sont la production philosophique de
‘Hawa.
Si Hevel n'a pas reçu de nom autre que celui
d'éphémère, c'est qu'il ne vivrait pas assez longtemps pour faire sens par
lui-même, ou, bien plutôt, que son sens était de disparaître afin de donner à
son frère l'opportunité de se réaliser soi-même, et de réaliser l'essence que
lui donne son nom, comme si, au fond, Hevel n'était qu'une part interne à
Qayin, que Qayin avait réussi à se réapproprier, par un meurtre au sens
littéral, par une assimilation au sens allégorique, par une restitution au sens
symbolique, et par une compréhension au sens philosophique.
Dans le récit du langage, il s'agit plutôt d'une
assimilation de l'événement poétique qui est contenu dans le mot même de
Qayin : Qayin contient en lui Hevel, et l'essence du mot Hevel, le souffle
éphémère ; c'est ainsi que Qayin va pouvoir réaliser sa nature de premier
philosophe dont la compétence sera transmise ensuite à la lignée d'Adam, qui
pourra alors se réaliser elle aussi sur ce socle fondamental amené par ‘Hawa,
Qayin et Hevel..
Le texte biblique contient quatre niveaux de
compréhension, littéral, allégorique, philosophique et secret, liés tous
ensemble et cependant souvent contradictoires, les uns envers les autres, au
sujet d'un seul et même événement, comme une prudence face à l'apparente
simplicité du jugement. L'éthique forme l'une des questions principales du
texte, d'un point de vue non pas moral, mais civique, tant sur un plan
interpersonnel que collectif, le vivre ensemble n'y est jamais une évidence, et
l'éthique, jamais une simple opinion considérée comme bonne d'une manière
consensuelle. Former l'esprit humain, c'est le former à la nuance, à la
prudence, et à l'expertise de l'abyssale problématique de la condition humaine,
sans celles-ci, ni philosophie, ni analyse, ni moins encore de sagesse ne
peuvent émerger.
La tradition biblique a en effet une manière très marquée d'envisager l'éthique, la vie parmi les autres, le vivre ensemble, le bien, le mal, et leur connaissance, voire, leur reconnaissance. Il n'est qu'à se souvenir du « Voyage de Rabbi Josué »[20], pour en saisir la pertinence. Rabbi Josué désirait plus que tout rencontrer Élie - vœu que Yhwh finit par exaucer - afin de profiter de sa sagesse et d'apprendre plus de sagesse lui-même. Sur l'accord d’Élie, mais à la condition de jamais ne poser aucune question sur les raisons, intentions, et motivations de ses actes, Josué et Élie partirent sur les routes, mendiant le logis et les repas aux gens qu'ils rencontraient.
Les premiers, très pauvres paysans, n'ayant plus
qu'une vache, les accueillirent avec une vraie générosité ; mais durant la
nuit, Élie tua, par la main de Yhwh, leur seul et unique bien, la vache. Ils
rencontrèrent ensuite un riche fermier, prétentieux et radin, qui les reçut
avec bien peu de cœur. Pour le remercier de son accueil, Élie rebâtit un mur
qui menaçait de tomber dans sa cour. Leur voyage les conduisit ensuite en une
synagogue prospère où de nouveau ils furent très mal reçus : Elie demanda
à Yhwh de rendre tous chefs et puissants les gens qui les avaient ainsi reçus,
mais lorsqu'à la ville suivante, ils furent reçus comme des rois, Élie demanda
à Yhwh de faire de sorte que tous les citoyens n’aient qu’un seul chef. Devant
tant de paradoxes, incohérents, irrationnels, Josué n'y tînt plus et posa sa
question : ‘de quel droit, de quel raisons t'inspires-tu ?’
Élie, rappelant qu'ainsi prenait fin leur aventure
commune, lui répondit simplement que la vache avait reçu le coup mortel qui
était destiné à la femme du pauvre paysan désespéré, lui laissant ainsi
compagne, mais aussi nourriture pour se sustenter. Le riche fermier était si
radin qu'il préférait faire tomber le mur, plutôt que le reconstruire, mais
ainsi faisant, il serait tombé sur le trésor caché dans ses fondations, ce qui
l'aurait rendu plus riche encore.
Il va sans dire que l'éthique éliaque considère, dans les deux autres cas, qu'une ville dotée de
nombreux et puissants chefs est une ville vouée à sa propre perte, sous le coup
des conflits de pouvoirs et des volontés de puissance de chacun, mais qu'au
contraire, une ville dotée d'un seul chef, sage et juste, aura la jouissance
d'une prospérité réelle, et non despotique, tant d'un point de vue économique
que d'un point de vue éthique et humaniste.
La justice procède de la justesse des jugements, de la
connaissance du contexte, et de l'effet et des conséquences des actes qui vont
en dériver. C’est la qualité et la quantité de l’information qui vont venir aider
à définir la connaissance du bien et du mal, la discrimination de ce qui est
juste de ce qui ne l’est pas.
Ce qui nous intéresse ici est la question de la
qualité de l’information qui préside à la connaissance du bien et du mal, à sa
détermination donc, mais aussi la question du sens et de la définition de la
justice qui est corrélative de la définition donnée au bien et au mal, mais, en
ceci, pas seulement d’une manière relative à l’information que l’on possède.
Le concept de bien est défini dans l'univers biblique,
comme ce qui est bon pour l’intelligence, et aussi le bon usage fait de
l’intelligence, mais le concept de mal n’est pas défini en amont et a priori,
d'une manière générale. C’est toute la question que l’humain devra traiter et
résoudre, celle de définir ce que le mal signifie pour elle. Dans le texte
biblique, il l’est au cas par cas, en fonction de l'intention initiale, et de
la connaissance des conséquences de l'acte qui procède de ces intentions, au
fond, avoir un comportement éthique, c'est prévoir l’impact de ses propres
actes, et agir en conséquence en amont.
Les actes en eux-mêmes ne sont rien, seules comptent
en aval, leurs conséquences et la valeur éthique de leurs résultats. Tout acte,
et toute intention doivent être réfléchis au préalable, dans toutes leurs
conséquences possibles, ce qui fait de l'action un agir très exigeant, et
éminemment responsable, toute action présuppose une réflexion préalable.
Ainsi, ce qui fonde l'éthique est la justice, et ce
qui fonde la justice est la justesse du jugement. Ce qui fonde la connaissance
du mal est donc la connaissance opposite du bien, en tout premier lieu, avant
que le mal ne fut définit en lui-même, par lui-même, en fonction du bien. Ce
qui demeure une question, qui, dans le texte biblique n’est pas définie par le
divin mais qu’au contraire Yhwh laisse à la charge de l’humain, en un héritage
problématique, car cette définition du mal demeure à construire, en amont, et
en aval, et donne aussi toute sa mesure à la complexité d’un jugement juste.
De prime abord, ce qui définit le bien, c'est son lien
à la connaissance et à l'intelligence, et ce qui les accroît, en tant que l'on
désire les accroître, mais c'est aussi sa relation au juste quant à l'action.
La responsabilité tient en tension entre d'une part théorique, la connaissance
concrète, issue de la raison et du poétique, connaissance concrète qui renvoie
donc directement à la rationalité, et d'autre part pratique, dans l'action.
Dans le début du texte de la Genèse,
on ne peut définir le mal a priori, il est toujours défini a
posteriori selon la connaissance concrète, et la rationalité de l'acte
posé, dans sa justesse, ou non. Il ne peut avoir de valeur a priori qu'une fois déterminé et défini.
L'interdit de goûter aux fruits ou aux conséquences de
la connaissance du bien et du mal concerne HaAdam, l'humanité
préréflexive. Pour Ha Isha, à peine construite, on ne réitère pas
l’interdiction, donc, dans la logique du texte, ce ne lui est pas interdit, au
contraire, déguster ce fruit, c'est se réaliser comme femme, signifiant
événement poétique et raison vivante, et donc comme ‘Hawa. C'est réaliser sa
nature propre en tant que mode humain d'être singulier, rationnel et intuitif. Cette
transgression dont on suppose qu’elle ait été voulue par Yhwh, parce que
justement il n’a pas réitéré l’interdit pour Ha Icha, avait donc pour vocation de confronter l’humain, non
seulement à la transgression en soi, mais aussi à la connaissance du bien et du
mal, la connaissance dite concrète, fruit de la connaissance rationnelle,
abstraite, et poétique, créatrice.
Ceci tend à signifier que là, à son tout commencement,
l'humanité est éthiquement tout juste au sortir de l'ignorance de la conscience
de la responsabilité éthique. C'est la réflexion, la capacité de se
conscientiser soi-même qui favorise l'émergence de la responsabilité, et du
sens de l'action éthique, possibilité qui est donnée en même temps que la
connaissance du bien et du mal.
Ce qui reste certain, c'est que cette approche vise
dès l'origine à créer un peuple de sages, dont le vivre ensemble et la
structure sociétale sera juste et équitable, l'idéal biblique est ce
devenir-sage, et le psychisme tout autant que la société ou l'intellect ne
doivent être formés qu'en cette fin.
Cet idéal provient de la connaissance des limites de
l'intelligence et de la nécessité pour l'humain de penser et d'agir en vue du
bien de tous qui commence par chacun, dans une perspective impersonnelle et non
égoïque.
Ceci engage une pensée, même non dite, d’une certaine
forme de contrat social, qui se fonde, de prime abord sur la transgression d’un
interdit à connaître le bien et le mal, et la désobéissance supposée face à cet
interdit, et secondairement, sur un sens exigeant de l'équité, dans l'alliance
interpersonnelle, puis, en troisième lieu, dans l'alliance collective, dans un
ensemble de dix paroles qui ne sont qu'une, et qui définissent une loi
juridique, et éthique, mais non pas a
priori morale.
Ces paroles ne visent pas l'obéissance et l’allégeance
du peuple hébreu à cette loi, mais elles l'invitent à en éprouver le bien
fondé, et la légitimité, et à s'y conformer, d'une manière libre et autonome,
si ces paroles sont entendues comme étant conformes à l'exigence et à la rigueur
de la rationalité, et de la sagesse. Ces paroles sont une seule parole :
« Sois libre, et n'aliènes rien, ni de toi, ni de personne, autour de
toi. ». Exigence qui fonde une forme de contrat social démocratique, dans
le texte biblique.
Les personnages du texte et ce peuple doivent leur
élection à une destinée qui les conduit et les guide vers la constitution d’une
identité de l’éveil. Être, c'est être autre, et s'altérer sans s'aliéner ni se
cristalliser dans un ego, dans une identité figée, fixée. L'identité hébraïque est
une allentité qui doit se faire sans ego : multiple, inconnue,
irreprésentable, changeante, mouvante, flexible, plastique, compréhensive, cette
id-entité envisagée par le texte biblique dans la figure de Moïse n'est jamais id
mais autre, à chaque fois autre, à chaque fois allant vers l'autre-que-soi en
soi-même. C’est l’acquisition de cette allentité qui forme le destin du peuple
hébreu dans le texte biblique, car c’est le fond même de la sagesse telle que
la représente Moïse. La sagesse consiste donc à produire une id-entité
réunissant le corps/esprit en une seule conscience personnelle mais impermanente,
jusqu’à atteindre la personne de Yhwh.
Ce peuple est conçu dans le texte comme le garant
d'une capacité humaine à se transformer, changer, mûrir, grandir, s'éveiller. Il est la
transmission elle-même, mais surtout, sa destination est l’éveil, l’éveil selon
Moïse.
[1] L’élision, Essai sur la philosophie d’E. Schrödinger, Michel Bitbol, étude précédant L’esprit et la matière, de Erwin Schrödinger, Points sciences, seuil, Paris, (1990) 2011.
[2] C’est-à-dire relative à l’esprit.
[3] PoÏen : fabriquer, produire.
[4] Le référentiel, univers obligé de médiatisation, Ferdinand Gonseth, L’âge d’homme, Lausanne, 1975.
[5] Le référentiel, Eric Emery, Dictionnaire d’histoire et de philosophie des sciences, sld. Dominique Lecourt, Puf, Paris, 1999, p. 815-818.
[6] L’élision, Essai sur la philosophie d’E. Schrödinger, Michel Bitbol, étude précédant L’esprit et la matière, de Erwin Schrödinger, Points sciences, seuil, Paris, (1990) 2011, p.19.
[7] Tohu et bohu
[8] Commun, véhiculaire, vernaculaire, créateur, non verbal, etc.
[9] La première occurrence donnée dans la Genèse d’une femme : Genèse 1.27. Lilith est le nom donné tardivement à la femme citée par cette occurrence par la tradition, qui a offert à Lilith un destin d’exil dans les ruines d’Edôm, en Isaïe 34.14, et de démon, dans la tradition populaire, et première femme d’Haadam dans l’alphabet de Ben Sira, mais dont réellement, on ne sait rien du tout.
[10] La seconde occurrence en Genèse 2.23
[11] Ainsi nommée en Genèse 3.20
[12] Voir Freud lecteur de la Bible, Théo Pfrimmer, Philosophie d’aujourd’hui, Puf, Paris, 1982.
[13] C’est une position, la définition de ‘Hawa comme raison vivante et comme événement de vie, que l’on retrouve chez Antoinette Fouque, mais qui est très présente, surtout, dans l’approche métaphysique du judaïsme.
[14] HaAdam, le terreux, dérivé de ha adamah, la terre.
[15] Freud et la tradition mystique juive, David Bakan, PBP, Payot, Paris, (1963) 2005.
[16] Gravidanza, Antoinette Fouque, Essai, Des femmes, Paris, 2007.
[17] Lacan et le judaïsme, Gérard Haddad, Biblio essais, Le livre de poche, Paris, (1981) 1996.
[18] Commentaire du récit de la création, Isaac Abravanel, Les dix paroles, Verdier, Lagrasse, 1999, p.442-482.
[19] Notes sur Qohélet, André Neher, Aleph, Les éditions de minuit, Paris, (1951) 2003, p.71-79.
[20] Contes et légendes d’Israël, A. Weil, Fernand Nathan éditeur, Paris, 1951, p.88-94.
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