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Que signifie danser?

Que signifie danser ? C’est ailleurs, dans des livres qui ne parlent pas de danse, que l’on trouve les meilleures approches qui peuvent faire comprendre ce que danser veut dire. La question paraît sans valeur, tant la réponse semble évidente, mais en réalité, qu’est-ce que le danser, que fait-on lorsque l’on danse, et pourquoi l’humain danse t’il depuis l’aube des temps, est-ce seulement une célébration de la vie et du sacré ?
Danser est un travail sur l’énergie, la matière, l’espace, le temps, la dynamique, la forme et le sens, et toutes les définitions que j’ai trouvé la renvoient au fait de se mouvoir, mais alors, qu’est-ce que le mouvement. C’est dans les ‘‘hiéroglyphes’’ archaïques de la vieille Europe que l’on trouve les symboles représentant au mieux le mouvement : la spirale, le serpent, le tourbillon, que l’on retrouve dansé encore aujourd’hui dans les danses sacrées  profanes ou actuelles de tous les pays du monde, tout comme l’idée de faire une chaîne, dans l’origine sans doute germanique du mot danse, entre dansôn du vieux haut allemand et dintjan du francique, le doute persiste, qui renvoie à une danse noble, il y a aussi un ballāre, qui renvoie à des danses populaires.
Mais la danse n’est pas faite que des mouvements du corps, elle est pleine d’esprit, d’un sens qu’elle donne au mouvement justement, un sens qui lui donne toute sa valeur comme danse, et non simple mouvement qui signifie lui-même action de mouvoir, soit faire changer de place continuellement, faire agir, donner l’impulsion. L’impulsion est toujours celle du sens donné au se mouvoir.
Le mouvement apparaît très tôt représenté dans la symbolique humaine de la vieille Europe, la spirale, le serpent, le tourbillon, autant de symboles qui sont déjà un langage et qui disent le rythme, la dynamique, le mouvement, le devenir, la vie. Marija Gimburas dans Le langage de la déesse définit la spirale comme on le fait généralement de la danse : ‘‘l’énergie inhérente aux formes en perpétuel mouvement réveille la puissance de la vie en sommeil et lui donne une impulsion.’’[1] La danse est avant toute chose non seulement une impulsion mais aussi une pulsion de vie : ‘‘des danses en spirale, s’enroulant et se déroulant, ont certainement dû être exécutées dès la plus lointaine préhistoire.’’[2] La spirale est tout à la fois le symbole du temps en expansion, de l’énergie, et du devenir, et n’est pas sans rappeler l’enroulement déroulement du serpent, le zig-zag représenté très tôt,  le tourbillon, dont le tournoiement est le symbole d’une danse comme un hymne à la vie et à la joie,[3] qui fonctionne comme la transition en douceur d’une phase à une autre.[4]
Là, ce qui est danse commence à se donner à ressentir : temps, énergie, rythme, phases, transitions, espace, devenir, sens. Quelque chose de conceptuel, dès l’origine, se donne dans la danse et lui accorde son sens.
Ou, plus exactement, c’est le corps qui produit ces concepts, les rend manifestes, et détectables par une conscience qui ensuite va venir généraliser ou conceptualiser ce type d’expériences incarnées comme concepts, pour les rendre objectifs, ou subjectifs, mais à tout le moins, détachés de ce corps expérientiel qui en a rendu effective l’existence, en nous, au niveau mésoscopique, et même si leur existence en soi fait défaut. Ce sont des concepts qui fondent notre être au monde, car notre existence n’a de réalité que par ce réseau intriqués de composants que nous nommons concepts, mais qui demeurent le fondement même par lequel notre réalité propre nous parvient en conscience, peut être saisie et comprise intellectivement, en tant que réalisation matérielle.
En d’autres termes, nulle existence humaine ne serait possible sans le tissage, selon un mode humain, de ces choses par lesquelles nous existons en conscience, à un niveau mésoscopique : espace, temps, énergie, motion, qu’elles soient subtiles ou grossières.
Ainsi la danse est une réflexion des corps sur ce qui les fonde comme corps humains, et donc non universels, et ce qui rend manifeste cette réflexion par le mouvement même qu’elle produit, soit, par son usage singulier de tout ce qui incarne le corps comme existant et tissu relationnel, et qui, ensemble forment l’expérience de la perception humaine par expérimentation auto-affective consciente. La danse incarne des concepts qui sont eux-mêmes ce qui dans le corps rend ce corps incarné et forme sa matérialité même, et sans quoi nous ne pourrions pas nous percevoir nous-mêmes.



[1] Le langage de la déesse, Marija Gimburas, Des femmes, Paris, 2005, p.303
[2] Ibidem.
[3] Nikolaos Platon, cité par Marija Gimburas, ibidem, p.317
[4] Ibidem.

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